Sécurité sociale, mutuelles, santé : Une société malade25/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1895.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Sécurité sociale, mutuelles, santé : Une société malade

Après des hausses importantes en 2004, allant jusqu'à 15% dans certains cas, les mutuelles et les assurances santé complémentaires annoncent de nouvelles hausses pour l'année prochaine. Des hausses conséquentes de nouveau puisqu'elles pourront aller jusqu'à 10%. Les principales victimes en seront les travailleurs, car c'est leur pouvoir d'achat que ces hausses de tarifs diminueront. Ils paieront aussi par une dégradation de la qualité des soins.

L'augmentation des tarifs des mutuelles est un des aspects d'une politique bien plus générale. Cela fait des années que tous les gouvernements se refusent à prélever sur les profits patronaux les sommes nécessaires pour assurer, par le biais des caisses de Sécurité sociale, des soins convenables à tout le monde. Au lieu d'augmenter les prélèvements sur les profits patronaux, tous les gouvernements ont préféré taxer davantage les salariés, mais aussi les retraités et les chômeurs. Durant les trente dernières années, la contribution prélevée sur les catégories sociales aux revenus les plus modestes a augmenté deux fois et demie plus que la contribution patronale.

Qui plus est, c'est sur les fonds des caisses de Sécurité sociale qu'on accorde au patronat des allégements de charges sociales, ce qui revient à les subventionner pour les salaires des travailleurs embauchés pour des emplois non qualifiés.

Gouvernement et grand patronat creusent ainsi le déficit de la Sécurité sociale qui, pour rétablir l'équilibre, rembourse de moins en moins les dépenses de santé. Pour 617 médicaments, le remboursement est passé de 65% à 35%. Le forfait hospitalier a été augmenté d'un euro. Et la réforme en cours de l'Assurance maladie va aggraver encore les choses en imposant une augmentation supplémentaire du forfait hospitalier et en faisant payer aux malades un euro à chaque consultation.

Pour faire face à ces diminutions de remboursements, un nombre croissant de salariés sont obligés de cotiser à une mutuelle ou une assurance complémentaire. Encore faut-il pouvoir le faire! Combien de travailleurs en intérim ou même en CDI ont des salaires qui ne leur permettent pas de payer une mutuelle? Combien sont ainsi ceux qui ne peuvent plus se soigner convenablement, qui ne peuvent plus acheter les médicaments qui leur sont nécessaires?

Même lorsque ce sont les entreprises qui paient une partie des cotisations d'assurance complémentaire, elles n'en paient qu'une partie, justement, le reste étant à la charge des salariés. Et puis, confrontés à la hausse de leur propre part de cotisation, les patrons resserrent les contrôles, font pression contre les arrêts-maladie et renégocient leurs charges au détriment de la qualité de la couverture pour leurs salariés.

À tout cela s'ajoutent les économies faites sur le système hospitalier lui-même. Le budget de l'État, si prodigue lorsqu'il s'agit "d'aider les entreprises", c'est-à-dire de subventionner les profits patronaux, ne fait pas face à ses responsabilités en matière de santé publique. Il n'assure pas l'équipement du nombre nécessaire d'hôpitaux publics ni la formation d'un personnel qualifié pour les faire fonctionner. On oblige, au contraire, les hôpitaux à fonctionner comme des entreprises qui doivent être rentables. On limite les dépenses aux dépens des malades. On diminue le nombre de maternités et d'hôpitaux de proximité. On supprime des lits faute de personnel qualifié en nombre suffisant car on néglige depuis plusieurs années la formation de personnels soignants.

Lors d'un récent meeting à la Mutualité, des médecins ont dénoncé des situations où l'on freine la pose de prothèses indispensables, faute de crédits, et où les nouveau-nés sont installés à trois par berceau! Dans ce pays qui se vante d'être un des plus développés du monde, on va vers des situations du Tiers Monde!

Alors oui, c'est la société elle-même qui est malade, malade de la "rentabilité", malade de la course au profit, malade de la domination du grand patronat.

Arlette LAGUILLER

Editorial des bulletins d'entreprise du 22 novembre 2004

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