Allemagne : Fin de la grève chez Opel, à Bochum27/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1891.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Fin de la grève chez Opel, à Bochum

La grève «sauvage» des travailleurs de chez Opel Bochum, déclenchée à l'annonce de 4000 licenciements sur leur site, a cessé mercredi 20 octobre, au bout de six jours. Les grévistes s'étaient lancés dans ce mouvement sans préavis, sans les bureaucrates syndicaux et parfois même contre eux. Ceux-ci n'ont pas apporté le moindre soutien à une grève qu'ils ne voyaient pas d'un bon oeil. Ils ont disparu pour «négocier», ne réapparaissant que pour mettre tout leur poids en faveur de l'arrêt du mouvement.

Les grévistes ont organisé seuls l'occupation, installant aux portails un podium avec réunion d'information toutes les heures, où le micro était ouvert à tous. Beaucoup de gens se sont exprimés, y compris des travailleurs et militants d'autres boîtes venus dire leur solidarité, apporter de l'argent ou quantité de nourriture. Après la fin de la grève, certains disaient en riant que le plus dur serait de ne plus manger autant de bonnes choses.

Lundi 18octobre, direction et syndicat se sont mis d'accord sur une «plate-forme minimum» à partir de laquelle les négociations devaient continuer... si le travail reprenait. La direction ne s'y engageait sur rien, ce qui n'a pas empêché les bureaucrates syndicaux de prendre prétexte de prétendues «avancées». Le mardi 19 au matin, des manifestations avaient lieu devant différents sites d'Opel en Europe. Au départ de la manifestation de Bochum, qui regroupait plus de 20000personnes, les responsables syndicaux allaient de groupe en groupe, prétendant que, toutes les revendications étant maintenant satisfaites, il serait bon pour la poursuite des négociations que l'équipe d'après-midi reprenne le travail dès la fin de la manifestation. La maire de la ville, des représentants de l'Église et des syndicalistes ont pris la parole pour exhorter les grévistes à retourner au travail.

Au retour à l'usine, la pression s'accrut encore. Étaient présents surtout les ouvriers d'après-midi, une équipe en retrait dans la grève par rapport aux deux autres. Les responsables syndicaux leur expliquèrent une nouvelle fois qu'il serait sage de retourner au travail. Ils appelaient à une deuxième réunion à 17heures, pour voter la fin de la grève. Dans différents ateliers de l'usine1, le travail reprit alors. Mais pas dans les usine 2 et 3. Et une minorité significative de l'usine1 continua l'occupation.

En présence de la presse, un groupe de grévistes s'adressa par mégaphone aux responsables syndicaux, leur disant que ce n'était pas à une équipe seule de décider de la fin du mouvement, mais aux trois équipes des trois usines, ensemble. Les responsables syndicaux annoncèrent finalement une grande réunion pour le lendemain, avec vote. Dès lors, la plupart sentaient que le travail reprendrait le lendemain, même s'ils espéraient encore le contraire.

Cette réunion de l'ensemble du personnel eut lieu en dehors de l'usine, dans une salle de congrès. Le secrétaire du CE et le responsable IG Metall de Bochum firent chacun un discours, puis, lorsque des travailleurs se levèrent pour aller à leur tour prendre la parole, les micros furent coupés et on passa directement au vote. La question était: «Est-ce qu'il faut que les syndicalistes du CE continuent à négocier avec la direction et que le travail reprenne?» Il s'agissait de pousser les travailleurs à se prononcer, non pas pour ou contre la poursuite de la grève, mais pour ou contre des négociations, qu'évidemment tous espéraient...

Résultats: 4650 «Oui» à la question posée, 1760 «Non». C'était la fin de la grève. Qu'en aurait-il été si la question avait été plus honnête, si une discussion avait précédé le vote, si le vote n'avait pas été à bulletins secrets, si l'on n'avait pas fait voter les non-grévistes... on ne peut le savoir, mais direction et syndicat ont préféré ne pas avoir la réponse.

Pendant le mouvement, beaucoup disaient ouvertement se défier des bureaucrates, qu'ils ne reprendraient pas le travail sans qu'il y ait eu des résultats concrets. Mais ce qui a sans doute joué un rôle négatif, c'est qu'au bout de ces quelques jours de grève personne ne savait vraiment pour quels objectifs précis continuer. Les plus déterminés se sont sentis trahis par les dirigeants syndicaux, mais aussi impuissants. La revendication: «Aucune suppression d'emploi», personne sans doute n'y croyait. La plupart pensaient que des licenciements ne pourraient pas être évités. Mais il n'y avait pas de militants pour donner des perspectives, pour essayer de formuler des revendications qui puissent être atteintes et qui fassent un tant soit peu l'unanimité. Si la vie des piquets de grève était démocratique, il n'y avait pas vraiment de direction à ce mouvement, et cela laissait la place aux manoeuvres des bureaucrates syndicaux.

Aujourd'hui, la peur de l'avenir a repris en partie le dessus, mais après tant d'années d'attaques patronales sans véritable réaction, les grévistes ont aussi le sentiment de s'être fait craindre. Les travailleurs ne s'attendaient pas non plus à autant de soutien de l'extérieur et disent ne jamais avoir rencontré pareille solidarité. Ils continuent à discuter beaucoup, parlent des liens qui se sont créés entre eux en une semaine, de la bonne ambiance qui régnait. Il reste le sentiment qu'on peut ne pas tout accepter et dans les conversations on entend souvent: «De toute façon, on est prêts à recommencer!»

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