Paris 18e : Le chantage des spéculateurs contre les locataires23/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1886.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Paris 18e : Le chantage des spéculateurs contre les locataires

Une des solutions préconisées par Juppé, du temps où il était Premier ministre, pour faire face au déficit de la Sécurité sociale, consistait à mettre en vente une partie des biens immobiliers des différentes caisses.

Cette décision n'ayant été remise en cause ni par le gouvernement de gauche de Jospin ni par Raffarin, la Caisse nationale d'assurance vieillesse a entrepris de se délester d'une partie de son patrimoine immobilier, dont les loyers étaient destinés à l'action sociale en faveur des personnes âgées.

C'est ainsi qu'un îlot d'immeubles dans le 18e arrondissement de Paris, comprenant 150 logements en location, a été mis en vente. La Ville de Paris, d'abord intéressée, s'est finalement désistée, malgré ses promesses de racheter des immeubles pour en faire des logements sociaux.

Le nouvel acquéreur, qui serait un groupement bancaire, demeure jusqu'à présent inconnu du public, se faisant représenter auprès des locataires par une société écran, Transimmeubles. Celle-ci a entrepris de démarcher individuellement les locataires pour leur enjoindre avec fermeté et insistance d'accepter un rendez-vous. Lors de ces rendez-vous, qui se transforment bien souvent en visite détaillée de l'appartement, des démarcheurs font comprendre qu'un départ serait une bonne chose. De toute façon "les moyens ne manquent pas pour faire partir des locataires", laissent-ils entendre.

Les locataires dont les loyers sont déterminés par la loi de 1948, qui bloquait ces loyers à un niveau très bas, sont particulièrement harcelés par des lettres recommandées et des plis d'huissier, bien que la plupart d'entre eux soient âgés et malgré le fait que ceux qui ont plus de 75 ans ne peuvent d'aucune manière être contraints de quitter les lieux. Pour les autres locataires, on se contente de les aviser que les baux échus ne seront pas renouvelés.

Si le locataire accepte de partir, il peut espérer une compensation financière s'élevant de 7500 à 12000 euros. Certains locataires qui envisageaient de se porter acquéreurs de leur logement s'en sont vu refuser la possibilité. Le nouveau propriétaire veut récupérer les appartements pour les vendre au prix fort, en profitant au maximum du prix du marché pour les appartements libres, qui est très au-dessus de celui des appartements occupés, surtout quand ils sont loués sous le régime de la loi de 1948. De toute façon, la plupart des locataires de condition modeste ne peuvent envisager d'acheter leur appartement et, connaissant le montant actuel des loyers, ne pourront se reloger à des conditions identiques.

Face à ces mesures d'intimidation, quelques locataires ont pris l'initiative de se constituer en amicale. Ils ont été rejoints par une grande majorité de leurs voisins.

De telles opérations immobilières n'ont rien d'exceptionnel dans l'arrondissement, touchant tout autant les beaux immeubles des quartiers résidentiels que les immeubles dégradés des quartiers plus démunis. Pour ces spéculateurs, c'est la garantie de profits rapides et juteux. Par exemple, des appartements occupés achetés 2900 euros le mètre carré étaient proposés deux mois plus tard à leurs occupants pour 4100 voir 4800 euros. Alertés, les pouvoirs publics laissent faire. Le Conseil d'arrondissement a voté des voeux, proposant l'interdiction des congés de locataires pour cause de spéculation immobilière et la mise en oeuvre du droit de préemption de la Ville de Paris chaque fois qu'une proposition de vente s'avère n'être qu'une opération spéculative. Mais ces voeux sont sans pouvoir et sans effet.

Mis au pied du mur, les locataires ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour faire reculer une bande de requins.

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