France Télécom - Carquefou (Loire-Atlantique) : Émotion et colère23/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1886.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Télécom - Carquefou (Loire-Atlantique) : Émotion et colère

À l'Unité Régionale Réseau des Pays-de-la-Loire, un centre technique France Télécom situé à Carquefou près de Nantes et où travaillent deux cents employés, l'émotion le dispute à la colère après l'annonce du suicide d'un collègue, un technicien de 48 ans, le 8 septembre dernier.

La nouvelle s'est répandue dès le lendemain matin et à 14heures tout le monde s'est retrouvé spontanément devant les bureaux de la direction, pour exprimer émotion et indignation. En effet en juillet dernier, un collègue de la région de Cholet qui était lui aussi victime d'une restructuration, s'était suicidé sur son lieu de travail. Pour le collègue de Carquefou, même chose: concerné par une restructuration, muté, il avait complètement changé de travail et ne supportait plus les pressions de la direction.

Pour nous qui subissons depuis des années les restructurations à France Télécom depuis son ouverture au capital privé en 1996 et maintenant sa privatisation annoncée, ces suicides, tentatives de suicides et dépressions sont de plus en plus courants et reflètent le malaise général qui gagne les salariés de l'ensemble de France Télécom.

Au niveau national, 8000 emplois ont disparu rien que cette année. Pour ceux qui restent, il faut s'adapter aux nouvelles techniques de "management", en clair: faire du commercial, quand on faisait avant du public.

À l'Unité Régionale de Carquefou, nous n'échappons pas à cette logique implacable. Et comme le dit l'un d'entre nous: "Cela fait quatre fois que je change de boulot en quatre ans, dont deux fois en quinze jours. On nous compresse, notre emploi est supprimé, la tâche est confiée à des collègues... qu'on nous demande de former"! S'ajoutent à cela les mutations d'office qui ne sont pas rares, à 60 ou 100 km du domicile.

À Carquefou encore, un bâtiment tout neuf a été construit pour accueillir 40 personnes. Deux mois plus tard, tout le monde a été muté et c'est une plate-forme (centre d'appels) qui prend le relais. Il est courant aussi d'être formé à un nouveau travail et, au bout du stage de formation, de se retrouver à faire tout autre chose! Tous les moyens sont bons pour la direction pour nous écoeurer et nous pousser à la démission, y compris le flicage et le fichage des employés sur leur comportement ou leur appartenance syndicale.

Les deux suicides de Carquefou et de Cholet ont été le révélateur d'un malaise allant croissant et ont créé un véritable état de choc. Reçue par les syndicats le 11 septembre, l'équipe de direction a été retenue par les salariés jusqu'à 19h, heure à laquelle le directeur régional est venu pour débloquer la situation en proposant le gel des restructurations et la nomination d'un médiateur (sociologue).

Mais l'annonce de la privatisation totale nous fait craindre maintenant le pire. Le succès du livre de Dominique Decèze La Machine à broyer qu'on s'arrache, est révélateur de cette inquiétude des salariés sur leur sort, car il démontre avec justesse jusqu'où le patronat et les pouvoirs publics complices peuvent aller dans leur volonté de privatiser les services publics.

Il est clair que ce qui se passe à France Télécom n'est qu'un avant-goût de ce qui se prépare aussi à La Poste, à EDF ou à la SNCF. D'où cette prise de conscience pour certains d'entre nous qu'il ne faut plus se laisser faire et que c'est ensemble qu'il faudra réagir, et non plus individuellement, centre par centre, ou par des actions de désespoir.

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