Fabius-Sarkozy : Démagogues sur les délocalisations et muets sur les licenciements16/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1885.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Fabius-Sarkozy : Démagogues sur les délocalisations et muets sur les licenciements

L'ancien Premier ministre socialiste, Laurent Fabius, avait posé jeudi 9 septembre, à la télévision, quatre conditions à Chirac, menaçant de voter Non au prochain référendum si ses conditions n'étaient pas satisfaites. Invité dimanche soir 12 septembre à l'émission Le Grand Jury RTL-Le Monde, il a été plus catégorique en affirmant que sa "pente naturelle" est de "voter contre" le référendum prévu par Chirac sur la Constitution européenne. Et d'affirmer que la priorité étant à ses yeux "la question de l'emploi et des délocalisations" et que ne trouvant pas, dans le projet de Constitution, "ce qui permettrait de changer de politique", il ne pourrait pas l'approuver.

Fabius a été ministre de l'Économie du gouvernement Jospin. Qu'a-t-il donc fait, à l'époque pour empêcher les grandes entreprises de licencier? Qu'a-t-il donc fait ne serait-ce que pour sauvegarder l'emploi dans le secteur public, à l'Éducation nationale, à la SNCF, à La Poste qui dépendent directement de l'État? Même maintenant qu'il est dans l'opposition, il pèse ses mots. Lors de son interview télévisée, s'il a fait plusieurs envolées contre les délocalisations, il s'est bien gardé d'exprimer une opposition aux licenciements. Il a même évité de prononcer le mot.

Mais pour bien des entreprises, la menace de délocalisation n'est qu'un prétexte pour licencier. Et ce qui est catastrophique pour les travailleurs, c'est d'être licenciés. Mais Fabius se sent responsable vis-à-vis du grand patronat lorsqu'il propose une "harmonisation fiscale européenne" au prétexte que cela empêcherait les délocalisations, tout en gardant le silence sur les licenciements.

Sur ce point, il a été rejoint par Sarkozy qui a proposé aux ministres des Finances européens de supprimer les aides européennes à tous les pays nouvellement intégrés dont la politique fiscale d'aides à leurs industries favorise les délocalisations. Mais ni Fabius ni Sarkozy, parfaitement d'accord sur ce point, n'ont pensé à réclamer que, pour mettre fin au "dumping social" -comme ils disent- des pays de l'Est européen, on aligne les salaires de ces pays sur ceux des pays occidentaux. L'un comme l'autre veulent surtout protéger tout à la fois les intérêts des industriels français qui produisent ici, mais en même temps leur laisser la possibilité de trouver, en Europe de l'Est ou ailleurs, une main-d'oeuvre moins chère parce que plus exploitée. L'un comme l'autre laissent entendre hypocritement que, pour empêcher les patrons de fermer des usines ici, il faudrait les décourager d'en ouvrir là-bas. Façon de suggérer aux travailleurs en France que, si leur emploi est menacé ici, c'est la faute aux travailleurs de là-bas et pas au patronat.

En réalité, Fabius pas plus que Sarkozy, Raffarin ou Chirac n'ont que faire de l'intérêt des travailleurs menacés de chômage en France. Car, si c'était le cas, ils imposeraient aux grandes entreprises l'interdiction des licenciements, quitte à répartir le travail entre tous en prenant sur les profits. Cela sauverait les dizaines de milliers d'emplois que ces entreprises détruisent bon an mal an. Cela serait dans l'intérêt de l'écrasante majorité de la société, y compris de tous ceux, petits commerçants etc., qui vivent des achats des travailleurs. Mais cela menacerait les 10, 15 voire 25% de profits que les grandes entreprises doivent dégager pour plaire à la Bourse.

En réalité, ce qui préoccupe Fabius est son avenir de présidentiable et le souci de se démarquer dans son propre parti de ses rivaux dans la course à la candidature, Hollande ou Strauss-Kahn, partisans eux du Oui. Fabius mise sur le Non parce qu'il sait que le Oui est d'autant plus mal vu dans l'électorat de gauche qu'il serait, non seulement un Oui à la Constitution européenne faite pour la bourgeoisie, mais aussi un Oui à Chirac.

Mais autant dire que, même si Fabius gagne son pari présidentiel et s'il peut capitaliser sur sa personne un éventuel succès du Non, les travailleurs ne peuvent pas plus compter sur Fabius ou sur ses rivaux du PS, qu'ils ne peuvent compter sur Chirac-Raffarin pour arrêter les licenciements et pour stopper la montée du chômage, de plus en plus catastrophique pour le monde du travail.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 13 septembre 2004

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