Russie - Carnage à Beslan - Poutine mène sa guerre avec la caution de Bush, Sharon, Chirac...09/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1884.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie - Carnage à Beslan - Poutine mène sa guerre avec la caution de Bush, Sharon, Chirac...

S'octroyant un sinistre record mondial, le carnage de l'école de Beslan, en Ossétie russe, dépasse en nombre de tués (335 officiellement, bien plus en réalité) toutes les précédentes prises d'otages, que ce soit en Russie ou ailleurs. Cette boucherie rappelle, dans son dénouement, celle de Moscou, en novembre 2002. À l'époque, des commandos des forces spéciales russes avaient pris d'assaut un théâtre dont les spectateurs et les personnels étaient détenus par des terroristes tchétchènes: pour s'emparer des lieux, ils avaient massacré les 41 membres du commando mais aussi causé la mort de 130 otages.

À Beslan, les otages étaient essentiellement des enfants, ainsi que leurs parents et enseignants. Cette fois encore, les forces de l'ordre n'ont pas fait dans le détail. Une fois "l'affaire" réglée au milieu d'un amas de cadavres et de décombres, Poutine a préféré ne faire qu'une visite d'une demi-heure à un hôpital de Beslan, de nuit, sans avertir les autorités locales. Cela par crainte, moins d'éventuels terroristes qui auraient pu s'échapper que des réactions des familles de victimes, dont la presse, même une partie de celle de Russie qui est étroitement contrôlée, a dit qu'elles accusaient les autorités et les forces spéciales d'être en partie responsables de la tuerie.

Dans son allocution télévisée après le massacre, Poutine a fustigé le "terrorisme international", sans dire un mot de sa sale guerre de Tchétchénie. "Comme si les enfants russes n'étaient pas morts à cause de la guerre en Tchétchénie qui dure depuis dix ans" s'était indigné même Kommersant, un quotidien russe pourtant détenu par un proche du Kremlin, qui concluait: "Invoquer (...) le terrorisme international permet désormais à tous les gouvernements du monde de ne pas assurer leur responsabilité pour la mort de leurs citoyens".

Les Bush, Chirac, Blair, Schröder, Sharon et autres le savent bien, évidemment, et n'ont pas laissé passer une si belle occasion de faire chorus avec Poutine en une unanimité écoeurante.

Chirac revenait juste d'une visite éclair en Russie, où au lendemain d'élections présidentielles truquées et sous haute surveillance militaire en Tchétchénie, il était allé, avec son compère allemand Schröder, féliciter Poutine pour la victoire de son poulain. Chirac, qui ne cesse d'encenser le caractère, dit-il, "démocratique" du régime de Poutine, en a rajouté après Beslan, assurant le chef du Kremlin de "la solidarité de la France".

Par ailleurs, au moment même de la prise d'assaut de l'école s'ouvrait un sommet des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. Le représentant des Pays-Bas, pays qui assure actuellement la présidence tournante de l'Union, avait cru pouvoir demander ne serait-ce que des "explications" à Poutine sur le massacre. Eh bien, même ce peu de chose était encore trop: la France, l'Allemagne, l'Angleterre, poids lourds de l'Union européenne, et quelques autres ont fait pression pour que l'impudent se rétracte. Ce qu'il fit, dès le lendemain, en expliquant, tête basse, qu'on l'avait mal compris.

Bush, lui, a affirmé que Beslan était "un sinistre rappel de la nature des terroristes que nous affrontons". Ce "nous" englobe son concurrent Kerry, qui n'a pas dit autre chose, solidaire qu'il est bien évidemment en tout, et pas seulement dans ce qui lui a servi de prétexte à attaquer l'Irak, de la défense des intérêts de l'impérialisme américain. Enfin, malgré une concurrence acharnée sur le terrain de l'hypocrisie sanglante entre les dirigeants mondiaux, la palme revient sans conteste à Sharon. Le Premier ministre israélien vient de proposer à Poutine une collaboration "dans les domaines de la sécurité, du renseignement et de l'humanitaire". En matière d'"humanitaire", Poutine a-t-il beaucoup à apprendre d'un Sharon et de ses protecteurs occidentaux? Il faudrait poser la question aux Palestiniens, aux Irakiens et à quelques autres peuples...

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