Ils veulent qu'on travaille plus? : Qu'ils embauchent les chômeurs!09/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1884.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ils veulent qu'on travaille plus? : Qu'ils embauchent les chômeurs!

Le patronat mène campagne auprès du gouvernement pour obtenir la suppression de toute limite légale à la durée du travail. Il l'a fait notamment à l'occasion de la consultation sur la révision de la loi Aubry, organisée par Gérard Larcher, le ministre délégué aux Relations du travail, qui se terminait le 7 septembre par la rencontre avec le Medef.

Certains, comme le patron de Bosch Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, qui a imposé cet été aux 820 salariés de travailler 36 heures au lieu de 35 pour le même salaire, n'ont pas attendu la révision de la loi pour imposer un allongement du temps de travail sans augmentation de salaire. Mais les patrons voudraient avoir toute la liberté de faire travailler les salariés comme ils le souhaitent. Le président du Medef, Seillière, le disait clairement dans le journal Le Monde: "Il faut, par le contrat en entreprise, convenir, si les salariés et l'employeur le souhaitent, d'une organisation de la durée du travail qui puisse déroger à la loi. Donc ceux qui sont contents de leur accord des 35 heures le gardent, ceux qui ne sont pas contents renégocient, ceux qui sont dans un cas particulier prennent l'initiative de modifier les horaires et la durée du travail. Bref, c'est la liberté de s'organiser en entreprise sur la durée du travail."

Et Seillière de conclure: "Voilà pour nous la manière de régler dans notre pays la question des 35 heures qui n'implique pas l'abrogation de la loi." En effet, les patrons ne sont pas partisans de la suppression des nombreux avantages qu'ils ont retirés de la loi Aubry, comme l'annualisation et la flexibilité. De plus, cette loi a déjà été "assouplie" dans le sens des intérêts des patrons par Fillon, il y a deux ans, avec l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires de 130 heures à 180 heures et la réduction de leur rémunération de 25 à 10% dans les entreprises de moins de 20 salariés.

Mais cela ne leur suffit pas, et tous de répéter qu'il faut travailler plus, que les entreprises se porteraient bien mieux et seraient alors plus compétitives. Eric Hayat, le président du conseil de surveillance de Steria, ex-président de Syntec, déclare ainsi: "Je remarque que les Américains travaillent 30% de plus que nous et que le PIB par habitant est également supérieur de 30%... La loi nous interdit de travailler plus de 217 jours par an, alors que nous avions précédemment conclu un accord sur 219 jours. Il faut que cette butée de 217 jours disparaisse, ce que seul le législateur peut faire... Si on nous laisse travailler plus, nous produirons plus." Édouard Michelin va dans le même sens: "Il faut répondre à la demande de ceux qui, à telle ou telle période de leur vie, souhaitent travailler plus de 35heures et augmenter leur niveau de revenus; nous ne sommes ni fiers ni compétitifs en France, à la 59e place pour ce qui est du nombre d'heures travaillées par an. Pénaliser ainsi les productions, c'est les encourager à produire ailleurs."

Dans tous les propos patronaux, il y a toujours une bonne dose de cynisme, car évidemment aucun salarié ne souhaite travailler plus. Ceux qui ont "accepté" de le faire, l'ont fait sous la menace de licenciements ou de délocalisation. De plus, il n'est évidemment pas question pour les patrons de payer plus leurs salariés. Les travailleurs du groupe Doux, le leader de la volaille, qui vont perdre trois semaines de congés et 500 euros par an, en savent quelque chose.

Raffarin s'est fait largement l'écho de cette propagande patronale sur le thème "travaillons plus et tout ira mieux", en laissant entendre que les chômeurs ne sont que des fainéants et en offrant aux patrons un jour de travail gratuit avec la suppression d'un jour férié.

Mais tout cela n'est qu'un tissu de mensonges et bien des travailleurs le savent. Car les patrons, bien sûr, ne disent pas tout: ils souhaitent qu'une partie des salariés travaillent plus en étant payés moins, de façon à pouvoir licencier l'autre partie. Ainsi, en diminuant les coûts de production, comme ils disent, ils peuvent augmenter encore leurs très confortables profits. Et les mêmes qui clament que la "France" doit se mettre au travail, licencient à tour de bras.

Alors, s'ils pensent vraiment qu'il faut travailler plus, qu'ils commencent par arrêter de licencier et de fermer des usines, qu'ils commencent donc par embaucher les chômeurs. L'économie irait alors beaucoup mieux, peut-être pas du point de vue des intérêts patronaux, mais du point de vue de la vie des hommes, ce qui est tout de même le plus important.

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