France Télécom - Privatisation : La gauche et la droite se sont passé le relais09/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1884.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Télécom - Privatisation : La gauche et la droite se sont passé le relais

Le gouvernement vient de franchir un nouveau cap dans la privatisation de France Télécom. Après la vente de près de 10,85% du capital appartenant encore à l'État, celui-ci en détient désormais moins de la moitié. Le capital privé est donc majoritaire.

À peine annoncée, la vente au "public" des actions de France Télécom jusque-là détenues par l'État a fait recette. En deux temps trois mouvements, l'affaire était bouclée. Sarkozy avait confié le soin de vendre les actions à quatre grandes banques (Société Générale, BNP Paribas, JP Morgan, Morgan Stanley) et son ministère s'est réjoui du "fort intérêt des investisseurs pour l'entreprise" et du "succès d'une opération exceptionnelle par son ampleur".

Mais qui sont ces acheteurs, des gens capables en 24heures de s'engager au total pour quelque 5,1 milliards d'euros? Mystère, secret des affaires oblige. Les salariés de France Télécom et les usagers sont mis devant le fait accompli de la privatisation de l'entreprise, et ils n'ont pas le droit de connaître qui détient désormais les deux tiers du capital. Comme d'habitude, c'est l'opacité. Il se dit que des fonds de pension anglo-saxons sont intéressés par le capital de France Télécom, mais il n'y a aucune information officielle sur le sujet.

Quand le ministre des Finances prétend que cette rentrée d'argent servira au désendettement de l'État, c'est une mauvaise blague. Car il y a fort à parier que le produit de la vente des actions de France Télécom ne restera pas longtemps dans la trésorerie de l'État, qu'il passera rapidement à celle des patrons, via des subventions et des cadeaux divers et variés.

L'ouverture du capital, c'était déjà la privatisation

Si l'opération a pu être conclue si facilement, c'est que les gouvernements précédents avaient ouvert un boulevard pour que la privatisation soit menée jusqu'au bout. L'annonce actuelle est l'aboutissement d'un processus entamé en fait sous la gauche, et non de la décision du seul gouvernement Chirac-Sarkozy-Raffarin.

En effet c'est en 1988 que le ministre socialiste Paul Quilès avait entériné la décision de son prédécesseur de droite, Gérard Longuet, de transformer une partie du ministère des PTT en une structure distincte, nommée France Télécom. Il sépara celle-ci de La Poste en 1991 pour créer deux établissements autonomes, gérés non plus selon le droit administratif mais selon le droit commercial. Cela correspondait aux intérêts des capitalistes, en pleine spéculation internationale, qui trouvaient que le secteur des Télécoms pouvait devenir rapidement rentable, d'autant que l'État avait, au cours des deux décennies précédentes, financé la recherche et les investissements pour moderniser le réseau.

Un pas de plus fut franchi par la droite en 1996 quand Fillon, à l'époque ministre des Postes et des Télécommunications, transforma France Télécom en société anonyme. Mais, c'était juré (et inscrit dans une loi), l'État devrait conserver plus de la moitié du capital, il serait impossible -disait-on- qu'il descende en dessous. Une première vente en Bourse d'actions de France Télécom fut prévue pour la mi-1997 par le gouvernement de droite, mais celui-ci fut battu aux élections. Son successeur, Jospin, qui s'était prononcé contre la privatisation pendant la campagne électorale... s'empressa de la réaliser cinq mois plus tard.

Hypocrisie de la gauche plurielle oblige, le début de la privatisation fut baptisé "ouverture du capital". L'ouverture s'est d'ailleurs élargie par la suite: de nouvelles ventes d'actions permirent au capital privé de s'accaparer près de la moitié de France Télécom.

Curieusement, en avril 2003, la participation de l'État dans France Télécom augmenta momentanément: mais c'était aussi pour le bien des gros intérêts privés! En effet l'État injecta 9,2 milliards d'euros dans le capital de France Télécom, pour sauver les actionnaires d'une spéculation qui s'était avérée désastreuse sur les valeurs boursières "internet" et "hautes technologies". Ainsi renfloué, France Télécom était redevenu un placement alléchant. Une loi votée en décembre dernier est venue répondre à l'attente de la finance en autorisant l'État à baisser sa participation, de façon que la part des actionnaires privés puisse dépasser 50% du capital. Aujourd'hui, c'est chose faite. Au prix, au fil de la décennie passée, de dizaines de milliers de suppressions d'emplois, d'une dégradation continue des conditions de travail pour le personnel, et d'un amenuisement constant de ce qui restait considéré comme "service public".

La privatisation de France Télécom, déjà fortement engagée par la gauche et poursuivie par la droite, ne profite qu'à une poignée de puissants groupes financiers.

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