Service minimum : Un projet scélérat contre les travailleurs28/07/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1878.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Service minimum : Un projet scélérat contre les travailleurs

La commission Mendelkern, nommée par Raffarin et Chirac, avait pour mission de réfléchir aux possibilités de mise en place d'un service minimum dans les transports collectifs terrestres- c'est-à-dire non seulement à la SNCF et la RATP, mais dans toutes les entreprises de transport, publiques ou privées. Le terme de "service minimum" a eu beau être hypocritement remplacé par celui de "service garanti", c'est bien d'une limitation, voire d'une interdiction pure et simple du droit de grève, que l'on parle. La commission a rendu ses conclusions mercredi 21 juillet. Des conclusions qui, si elles étaient suivies par le gouvernement, constitueraient une nouvelle -et profonde- régression sociale.

Il s'agit en fait de répondre aux demandes d'un certain nombre de patrons gênés par les grèves dans les transports et, au passage, de flatter l'électorat le plus réactionnaire.

La commission, qui se dit soucieuse des droits des travailleurs (!), dit préférer à toute solution radicale la "négociation": plutôt que de laisser les grèves paralyser le trafic, il n'y a qu'à faire en sorte qu'il n'y ait plus de raisons de faire grève... Pour cela, elle préconise de rendre obligatoire une période de négociation de sept jours avant la moindre heure de grève! Si ce délai n'était pas respecté, la grève pourrait être déclarée illégale- avec toutes les sanctions que cela peut signifier pour les travailleurs concernés.

Mais une négociation, cela se fait à deux: et si c'est le patron qui refuse de négocier, que se passera-t-il? La commission, qui regarde vraiment le patronat avec les yeux de Chimène, estime le cas peu probable. Mais si cela devait arriver quand même, quelles sanctions pour les entreprises? Un membre de la commission a expliqué que "dans ce cas, nous avons estimé que des sanctions d'ordre financier seraient malvenues." Ce sera donc... un blâme! Le patronat doit trembler devant cette menace.

Autre bâton mis dans les roues des travailleurs souhaitant se mettre en grève: la commission souhaite mettre en oeuvre tous les moyens permettant, en cas de grève, de "mieux informer le public et les usagers". Autrement dit: de savoir précisément quel trafic il sera possible d'assurer. Pour cela, les grévistes devraient se déclarer individuellement 48 heures à l'avance à leur hiérarchie!

Pour répondre à une question sur les risques de pression que risquaient de subir les salariés concernés, Jean-Paul Bailly, ex-patron de la RATP et actuel dirigeant de La Poste, membre de la commission, a eu le culot de répondre qu'il ne voyait pas où était le problème, puisque "une grève est de toute façon un acte public, et qu'il faut bien connaître les noms des grévistes pour pouvoir retenir leur salaire"! Comme si se mettre en grève, collectivement, au milieu de ses camarades, était équivalent à aller se déclarer futur gréviste, tout seul, dans le bureau de son chef!

Si toutes ces mesures échouent pour empêcher les grèves, alors la commission admet qu'il faudra "se résoudre" à limiter le droit de grève. Mais elle préconise de le faire non pas nationalement, mais de façon décentralisée. On demanderait alors aux régions, départements et communes de définir quels sont les axes de transport "essentiels aux besoins du pays", et on les autoriserait à supprimer purement et simplement le droit de grève sur ces lignes. Dans le cas où une commune, par exemple, sous-traiterait les transports à une entreprise privée, elle pourrait inclure cette interdiction dans le contrat dit de "délégation de service public".

On pourrait se dire qu'au moins, cela laisserait la liberté à certains élus hostiles à ces régressions de refuser ces pratiques. Même pas: la commission recommande la création d'une commission administrative qui veillerait à interdire aux élus de faire du zèle... "dans un sens ou dans l'autre". Ainsi un élu qui refuserait d'interdire le droit de grève pourrait se voir sanctionné.

Avec la publication de ce rapport, le gouvernement entame les grandes manoeuvres contre les travailleurs des transports. Naturellement, un rapport n'est pas une loi, et il ne s'agit ici que de recommandations. N'empêche: c'est une façon de commencer à préparer les esprits à une limitation du droit de grève.

Le ministre des Transports a salué les conclusions de la commission en les qualifiant de "modérées et faisables". Si, à la rentrée, le gouvernement se lance dans la mise en oeuvre de ces mesures, il reviendra aux travailleurs concernés de faire échec à ces projets scélérats pour interdire les grèves.

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