La "jungle sociale", c'est le capitalisme!28/07/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1878.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La "jungle sociale", c'est le capitalisme!

Après le prétendu référendum organisé par Bosch-Vénissieux pour imposer au personnel une augmentation de temps de travail sans compensation salariale, et l'annonce par Doux, le numéro un du conditionnement de la volaille, de son intention de suivre la même voie, le Journal du Dimanche a demandé à Raffarin s'il s'agissait de "chantages à la délocalisation". "Dans certains cas, j'y vois un abus de rapport de force", a-t-il répondu, parlant aussi de "jungle sociale". Mais dans quels cas y a-t-il de tels abus? Il s'est bien gardé de le préciser. Et il s'est surtout bien gardé de promettre des mesures pour empêcher ces pratiques qu'il fait mine de condamner.

En matière d'hypocrisie, Raffarin est bien dans la ligne de Chirac. Lorsque les patrons de Métaleurop avaient fermé purement et simplement l'entreprise en janvier 2003, jetant son personnel à la rue, sans respecter la moindre procédure légale, Chirac avait parlé de "patrons-voyous". Mais dix-huit mois plus tard, aucune mesure n'a été prise contre ces "patrons-voyous".

Pour les travailleurs, Chirac et Raffarin ont de temps en temps des mots compatissants. Mais dans les faits, toutes leurs décisions sont au service du patronat.

D'ailleurs, sur le fond, Raffarin n'a fait que confirmer qu'il restait partisan "d'assouplir" encore plus la loi sur les 35heures, par des "discussions entre les partenaires sociaux", en précisant qu'il n'était "pas hostile à la discussion dans l'entreprise". Mais c'est précisément ce qui s'est passé chez Bosch, "une discussion dans l'entreprise", car il y a toujours une "discussion", par la force des choses, entre un maître-chanteur et ses victimes!

Évidemment, les patrons qui veulent faire travailler plus leur personnel sans augmentation du salaire ne facilitent pas les choses à Chirac et Raffarin, dont le principal argument, pour justifier de nouvelles entorses aux règles actuelles sur les heures supplémentaires, c'est qu'il faudrait "permettre à ceux qui veulent travailler plus de gagner plus". Mais cela aussi est une escroquerie. Les patrons ne font pas faire des heures supplémentaires à leurs salariés pour leur permettre de gagner plus. Mais seulement quand ils en ont besoin. Et quand les carnets de commande sont moins pleins, ils diminuent les horaires, sans se soucier de savoir si cela entraîne des baisses de salaire. L'annualisation du temps de travail, que permettait la loi Jospin-Aubry sur les 35 heures, a été un cadeau pour le patronat, en lui permettant de faire effectuer des heures supplémentaires non majorées, et s'est traduite par une baisse de salaire pour de nombreux travailleurs. Augmenter encore le contingent d'heures supplémentaires autorisées, comme le réclame le Medef, et comme Chirac et Raffarin s'en montrent partisans, irait exactement dans le même sens. La seule manière pour les travailleurs de gagner mieux leur vie, c'est d'imposer au patronat des concessions salariales.

La "jungle sociale" à laquelle Raffarin prétend être opposé, c'est pourtant la caractéristique même du système économique dans lequel nous vivons, un système qui fait passer avant tout la recherche du profit capitaliste, qui tient pour quantité négligeable le sort des travailleurs, et dont Chirac et Raffarin, tout comme leurs prédécesseurs, sont les serviteurs.

Et pour survivre quand règne la loi de la jungle, rien ne sert de réclamer plus de concertation, de réunions autour du tapis vert, comme se contentent trop souvent de le faire les grandes confédérations syndicales, plus soucieuses d'être reconnues comme des interlocuteurs valables par le gouvernement et le patronat, que de défendre les intérêts généraux du monde du travail. Il faut mener la lutte de classe aussi résolument que le patronat. Et si ces vacances d'été doivent nous permettre de récupérer des forces, que ce ne soit pas seulement pour mieux supporter une nouvelle année d'exploitation, mais aussi pour mener les luttes nécessaires pour mettre un coup d'arrêt aux prétentions du patronat.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprises du 26 juillet 2004

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