Canicule : Le gouvernement se moque du monde28/07/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1878.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Canicule : Le gouvernement se moque du monde

Le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, affiche sa satisfaction. "Les objectifs d'ouverture de lits d'hôpitaux ont tous été atteints, voire dépassés", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse convoquée pour l'occasion vendredi 23 juillet. Et après avoir précisé que "aucune difficulté particulière n'a été relevée, sauf en région parisienne", il a effectué une tournée marathon de vérification des capacités d'accueil des hôpitaux de la capitale.

D'après le ministre, tout est prêt en cas de canicule. Mais les effets d'annonce ne remplacent pas les moyens, qui demeurent insuffisants.

Dans les hôpitaux: situation d'urgence

Les rapports sur la canicule de 2003, responsable de la mort de 15000 personnes, ont tous montré les effets meurtriers du manque de personnel dans les hôpitaux, atténués uniquement par les efforts et l'énergie déployés par les personnels hospitaliers.

Eh bien, le gouvernement n'a pas embauché pour faire face à cette pénurie croissante de personnel.

Douste-Blazy a prévu qu'en cas de nouvelle catastrophe sanitaire les hôpitaux publics d'Île-de-France pourront dépasser le plafond de 15 heures supplémentaires par mois pour les personnels hospitaliers non médicaux volontaires. D'autre part, les hôpitaux ont fait la liste et ont pris les numéros de téléphone des personnels prêts à revenir de vacances. Aggraver les conditions de travail et le surmenage du personnel, voilà le plan dont se vante le ministre.

Il est évident qu'en cas de canicule le manque de personnel aurait les mêmes conséquences que l'an dernier. Les services fonctionnent constamment en sous-effectif. À l'hôpital Simone-Veil dans le Val-d'Oise, un service de médecine a fermé six semaines, par manque de personnel, avant la date prévue du 1er août. D'après le médecin urgentiste Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France, aux urgences "les équipes sont débordées et saturent, car la fréquentation ne baisse pas, et, contrairement à ce qu'affirme le ministère, les effectifs n'ont pas augmenté".

Île-de-France: un quart à un tiers des lits fermés

Les images pendant la canicule montrant des patients sur des brancards entassés dans les couloirs des urgences, montrant aussi la promiscuité entre malades et moribonds, comment les oublier?

Depuis des années, la politique d'économie des différents gouvernements est responsable d'une baisse constante du nombre de lits: en 20 ans, 150000 lits hospitaliers ont été fermés.

Sur les 22 300 lits existants actuellement en Île-de-France, 2100 sont constamment fermés pour travaux et à cause du manque de personnel. Libérer des lits est un casse-tête permanent. Des médecins urgentistes passent ainsi des heures au téléphone à chercher un lit dans un autre service pour un malade qui doit être hospitalisé. Et pendant les périodes de congés, faute de personnel, des milliers de lits supplémentaires ferment.

Les fanfaronnades du gouvernement n'y font rien, cette année la situation est quasiment aussi dramatique que l'an dernier. À la Pitié-Salpêtrière à Paris par exemple, sur 1555 lits, seuls 1073 seront ouverts en août, à peine 44 de plus que l'an dernier. Dans d'autres hôpitaux, comme Saint-Antoine ou Cochin, un tiers des lits seront encore fermés cette année en août. Toujours d'après l'urgentiste Patrick Pelloux, il y a "autant de fermeture de lits cette année qu'en 2003".

Systèmes de climatisation au compte-gouttes

Le ministère s'enorgueillit que 75% des hôpitaux et 74% des maisons de retraite soient maintenant équipés de climatisation. Or, une seule salle climatisée dans un hôpital suffit à le faire entrer dans les statistiques.

Le ministre fait aussi état de l'achat de ventilateurs, de frigidaires et de fontaines d'eau. Qu'en est-il par exemple à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière? Eh bien, il a vu augmenter son stock de 200 à... 330 ventilateurs! 130 ventilateurs neufs mais quelle gloire pour l'un des plus importants hôpitaux de France.

Le nombre de maisons de retraites dotées d'une "pièce rafraîchie" reste flou tout comme la qualité du "rafraîchissement" et la taille de la pièce en question. Mais surtout l'insuffisance du personnel subsiste. L'an dernier, un cinquième des décès dus à la canicule ont eu lieu dans ces établissements.

La prévention : un numéro de pub

Tout l'effort du ministre a en fait porté sur l'annonce de son plan prévention. D'abord, un numéro indigo, à 12 centimes d'euros la minute, avec des messages préenregistrés qui dispensent en quelques phrases les conseils de base: "boire régulièrement", "humidifier votre corps", "utiliser éventuellement un ventilateur" ou "se doucher régulièrement" et "passer au moins 2 à 3 heures par jour dans un lieu frais, comme un cinéma, un supermarché ou une bibliothèque" (ce qui, pour certaines personnes âgées qui ont du mal à se déplacer est un challenge !). Mais pas de panique, en cas d'alerte, Douste-Blazy réquisitionnera des minutes sur les médias, pour diffuser des spots radio et télé avec ses messages à l'inefficacité redoutable.

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