Chirac : «assouplir les 35 heures» sur le dos des travailleurs15/07/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1876.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Chirac : «assouplir les 35 heures» sur le dos des travailleurs

Au cours de sa traditionnelle interview du 14 juillet, Chirac s'est prononcé sur la remise en cause des 35 heures. S'il a affirmé que la durée légale du travail resterait fixée à 35 heures, il s'est prononcé pour des «négociations» entreprise par entreprise entre «partenaires sociaux» pour «assouplir» librement la législation et, suivant la formule qui est à la mode au gouvernement comme au Medef, permettre à ceux qui «veulent travailler plus pour gagner plus» de pouvoir le faire.

En matière d'hypocrisie, Chirac est vraiment le premier des Français! Car comment peut-on parler de libres négociations quand un patron fait un chantage à la délocalisation, comme cela vient de se passer chez Bosch, à Venissieux? Mais si Chirac a dit que les travailleurs «devraient s'y retrouver sur leur feuille de paye», ce qui est d'une remarquable imprécision, il s'est bien gardé de prendre position sur les exemples qui montrent comment les choses se déroulent vraiment dans la réalité.

En outre, travailler davantage pour gagner davantage est un leurre. Dans le meilleur des cas, ceux qui travailleront plus longtemps perdront moins sur leur salaire que les autres. Car ce que cherche le patronat c'est, comme disent les économistes au service des possédants, à «diminuer le coût du travail», c'est-à-dire, plus crûment, à diminuer les salaires. C'est l'éternel problème des heures supplémentaires. Ceux qui pourraient être tentés de croire qu'ils pourront gagner plus en travaillant davantage se retrouveront Gros-Jean comme devant, quand on leur répondra que, s'ils veulent s'en sortir, ils n'ont qu'à travailler 48heures par semaine au lieu de 45! Car quand Chirac et le patronat disent qu'il faut «revaloriser» le travail, c'est le dévaloriser qu'il faut comprendre.

Le comble, c'est que la loi des 35 heures mise en place par le gouvernement Jospin a été sur ce plan-là une aubaine pour les employeurs. La plupart des accords signés par branche ou par entreprise contenaient en effet (c'était prévu par la loi) des clauses de «modération salariale» et l'instauration d'une «flexibilité» accrue aux dépens des travailleurs. Le financement des 35 heures n'est pas non plus retombé sur les entreprises. Les patrons s'y sont retrouvés grâce à des diminutions de cotisations sociales (c'est-à-dire à une baisse du salaire différé).

Mais aujourd'hui, les patrons voudraient empocher l'argent du beurre, en plus du beurre. Ils ne demandent pas la suppression de la loi sur les 35 heures. Ils demandent seulement la suppression de tout ce qui les gêne un peu dans cette loi, mais en en conservant les avantages. Vouloir revenir totalement sur la loi Aubry aurait certes flatté la partie la plus réactionnaire de l'électorat de droite. Sarkozy avait il y a peu emprunté ce chemin, avant de modérer ses propositions. Mais en fait, en ne se prononçant pas pour la suppression pure et simple de la loi sur les 35heures, Chirac ne fait que répondre au voeu du grand patronat

Reste que tous ces calculs de la classe possédante ne reposent que sur l'hypothèse que le monde du travail se laissera faire, ce qui est loin d'être certain. Le patronat et le gouvernement nous montrent que pour eux la lutte des classes continue pendant les congés d'été. Elle pourrait bien aussi, de la part de la classe ouvrière, se poursuivre après.

Partager