Allemagne : Le retour aux 40 heures chez Siemens30/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1874.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Le retour aux 40 heures chez Siemens

C'est en vertu d'un accord signé le 25 juin entre la direction de Siemens et la fédération syndicale des métallurgistes IG Metall que les salariés de ce trust vont désormais devoir travailler plus sans compensation salariale. Cela faisait plusieurs mois que Siemens menaçait de délocaliser 5000 emplois à l'étranger (en particulier en Hongrie), ainsi que 8000 autres dans ses filiales... s'il ne parvenait pas à baisser le coût du travail et accroître la flexibilité.

Pourtant Siemens n'est guère une entreprise en difficulté. Il s'agit d'un des premiers trusts allemands, spécialisé dans la téléphonie, l'informatique, l'électroménager, etc. et qui regroupe 417000 salariés (dont 170000 outre-Rhin). Si son chiffre d'affaires a reculé, entre 2002 et 2003, de 84 à 74 milliards d'euros, ses profits (avant impôts) ont, eux, nettement progressé, de 1,66 à 2,44 milliards !

Un vol dans les poches des salariés

L'accord, qui concerne tout le groupe, permet au patron, en fonction des nécessités, de faire travailler plus sans augmentation de salaire. Le syndicat a aussi accepté que la prime de Noël puisse être diminuée. En outre, pour deux sites de production de téléphones mobiles, un accord complémentaire prévoit l'introduction de la semaine de 40 heures. Les primes de Noël et de congés sont remplacées par une prime de résultat au montant aléatoire. En échange, Siemens a le culot de garantir l'emploi... pour seulement deux ans.

Le choix de ces deux usines (de 2000 travailleurs chacune), qui étaient les plus menacées, n'est certainement pas dû au hasard. Elles sont situées dans deux petites villes, Bocholt et Kamp-Lintfort, proches de la frontière néerlandaise et éloignées des grandes concentrations ouvrières. Siemens y est le principal employeur et pouvait donc se permettre de faire un chantage d'autant plus fort à l'emploi. Mais il est probable que son but était moins de délocaliser la production que de créer un précédent pour l'allongement du temps de travail.

Face à cette provocation patronale, la réaction de l'IG Metall a été des plus timorées. Après avoir parlé, en avril, de "bander ses forces" pour préparer la lutte, l'IG Metall a fini par appeler, le 18 juin, plusieurs milliers de salariés de douze sites menacés à débrayer et a négocié avec le patron le 22. En trois jours, les volontés de Siemens étaient entérinées. Si le patron du trust, Heinrich von Pierer, s'est bien sûr réjoui, le vice-président d'IG Metall a osé déclarer: "L'accord-cadre en question est un grand succès des salariés et montre qu'il existe des alternatives à la suppression non-imaginative de postes"!

Si ce qui vient de se passer chez Siemens a été médiatisé, notamment en France, en réalité les attaques dans ce domaine ont commencé depuis longtemps, tant dans les entreprises privées que dans le secteur public. Selon le quotidien Die Welt, plus de 100 entreprises sont en train de négocier un retour aux 40 heures dans les mêmes conditions. Et une quarantaine d'autres auraient déjà introduit des accords semblables.

En Bavière (dirigée par la droite), le passage aux... 42 heures a été imposé depuis le 1er janvier 2004. En avril, c'est l'ensemble des autorités des Länder qui ont décidé de dénoncer l'accord salarial de branche fixant entre 35 et 38heures la durée hebdomadaire de travail dans la fonction publique territoriale. Et en mai le gouvernement (de gauche) a annoncé qu'il voulait faire passer les fonctionnaires fédéraux de 38 h 30 à 40 heures à partir d'octobre.

En février, lors de la renégociation de la convention collective de la métallurgie et de l'industrie électrique, le patronat avait déjà obtenu des "clauses d'ouverture". Dans les entreprises avec un grand nombre de travailleurs qualifiés (techniciens et ingénieurs), le nombre de salariés que le patron peut faire travailler désormais 40 heures a ainsi été porté de 18% à 50%.

La Deutsche Bahn, la compagnie des chemins de fer -qui ne peut guère menacer de délocaliser son activité-, a proposé fin mai aux syndicats de négocier une hausse du temps de travail pour les 150000 employés de la compagnie (les autres ont un statut de fonctionnaires). Celui-ci passerait d'environ 38 heures actuellement à 40 heures par semaine. Sans compensation de salaire évidemment. En échange, elle promet de ne pas recourir à des licenciements secs d'ici 2008! En réalité, il s'agit d'augmenter le taux de profit pour préparer l'introduction en Bourse d'une entreprise encore possédée par l'État.

Contre les méthodes de voyou des patrons

Dans la métallurgie, les 35heures avaient été obtenues à la suite d'une grève lancée par l'IG Metall en 1985. Elle s'était achevée par un compromis avec l'introduction progressive -sur une décennie- des 35 heures, en échange d'une modération salariale au cours des années suivantes. Mais depuis 1995, les 35 heures étaient tout de même l'horaire de référence dans la métallurgie. Contrairement à la France, elles avaient donc été obtenues par la lutte. Mais aujourd'hui le patronat veut revenir largement en arrière. Le syndicat IG Metall, qui s'affiche la première et la plus puissante fédération syndicale, se révèle bien incapable d'organiser une défense efficace.

Cela va sans doute contribuer à l'affaiblir encore plus, alors qu'il perd déjà des adhérents depuis des années. Mais surtout cela laisse la classe ouvrière désarmée. Car les attaques en cours seront inévitablement suivies d'autres, si le patronat se sent en position de force. Pour se défendre et imposer le droit de vivre et travailler dignement, les travailleurs d'Allemagne, comme ceux de France, ne doivent compter que sur eux-mêmes pour se préparer à une lutte collective. Ce n'est certes pas facile, mais c'est la seule voie pour ne pas continuer à perdre les acquis des décennies passées.

Partager