Travail au noir : Borloo vise les travailleurs, pas les patrons25/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/06/une1873.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Travail au noir : Borloo vise les travailleurs, pas les patrons

Le serpent de mer du travail au noir vient de réapparaître, dans les discours du ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, qui a annoncé le 18 juin: "La guerre est déclarée et nous serons impitoyables". Fortes paroles! Mais cette guerre frappera bien davantage les travailleurs qui pratiquent ce travail non déclaré dans bien des cas parce qu'ils n'ont pas d'autre choix que ceux qui en profitent. Et qui ne sont pas tous des particuliers.

Admettons, comme l'affirme le ministre, que le travail illégal coûte 55 milliards d'euros chaque année à l'État et soit responsable d'un tiers du déficit de la Sécurité sociale. Mais qui détourne la plus grande partie de ces fonds, qui les empoche, qui a intérêt à faire durer ce système?

On ne nous fera pas croire que l'essentiel de ces profiteurs sont des chômeurs ou des petits artisans non déclarés, qui se font payer de la main à la main. Pas plus que les ouvriers qui, après leur journée à l'atelier, complètent leur salaire en retapissant une pièce ou en changeant un lavabo. Et encore moins les clandestins.

Les principaux responsables sont ceux qui profitent et aident à organiser ce travail illégal: les groupes du BTP, de l'agro-alimentaire, de la construction navale. Loin devant, les Chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire ne sont pas non plus très regardants sur les entreprises sous-traitantes qui utilisent sans scrupule des travailleurs indiens ou roumains dans des conditions douteuses. Ceux du spectacle aussi, qui pillent en même temps les "intermittents" et les caisses du chômage. Ces grandes sociétés embauchent rarement directement des travailleurs au noir. Elles exploitent leur travail par l'intermédiaire d'entreprises sous-traitantes en cascade. Ce qui leur permet de déclarer vertueusement qu'elles n'y sont pour rien.

Borloo propose de créer 85 nouveaux postes d'inspecteurs du travail, qui s'ajouteraient aux 450 existants. Mais, à supposer que ces postes voient réellement le jour, les inspecteurs du travail continueront à être ridiculement peu nombreux, pour un travail de contrôle qui nécessiterait l'intervention active de l'ensemble des travailleurs.

Le ministre annonce aussi une coopération accrue entre les corps de contrôle et les institutions concernées (Unedic, Urssaf, ANPE, etc.). Si cela se faisait, cela viserait davantage les chômeurs que les patrons.

Quant à l'annonce d'une application stricte des sanctions prévues par une loi de mars 1997, permettant de supprimer aux entreprises en infraction les aides publiques à l'emploi et à la formation, c'est reconnaître que, jusqu'ici, un patron convaincu d'utiliser des travailleurs au noir pouvait continuer à toucher des aides à l'emploi!

Les patrons que l'on menace d'appliquer "strictement" la loi savent qu'ils ne risquent pas grand-chose. Quelques margoulins se feront pincer, sans doute. Mais surtout des milliers de travailleurs seront encore plus qu'avant en butte aux tracasseries. Et le travail au noir continuera à enrichir la bourgeoisie, à faire pression sur les salaires et les conditions de travail, et à servir d'argument pour rendre les salariés responsables du déficit du budget et du trou de la Sécu.

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