L'anniversaire du 6 juin 1944 : Des bombardements massifs qui préparaient l'occupation alliée09/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/06/une1871.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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L'anniversaire du 6 juin 1944 : Des bombardements massifs qui préparaient l'occupation alliée

Les cérémonies du soixantième anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie, le 6 juin 1944, ont été l'occasion de nombreux reportages sur le sacrifice des soldats anglais et américains, qui ont été des milliers à payer de leur vie pour permettre aux troupes alliées de mettre pied sur le littoral. Pour la majorité de la population française, qui subissait depuis quatre ans l'occupation nazie, le débarquement des troupes alliées a certainement été accueilli avec espoir.

Mais au-delà des images d'Épinal montrant des GI's acclamés sur leur passage, défenseurs du monde dit libre contre la barbarie nazie, certains témoignages ont tout de même rappelé que la guerre ne s'est pas arrêtée à ce «Jour J» et que la population civile a elle aussi payé cher cette libération.

Le débarquement s'est accompagné de bombardements massifs sur les villes de l'ouest de la France. En Normandie, Caen, Cherbourg, Le Havre, Falaise, Saint-Lô -pour ne citer que des villes d'une certaine importance- ont été rayées de la carte. Des villes de Bretagne, à commencer par Brest, ont subi le même sort. Plus au sud, Royan a été anéantie sous les bombardements. De nombreuses petites bourgades ont elles aussi été rasées. Cela s'est traduit par des dizaines de milliers de morts et un exode des survivants cherchant tant bien que mal à se mettre à l'abri.

Passons sur l'intérêt militaire de ces bombardements, puisque l'état-major allié a reconnu lui-même qu'il n'y avait aucun objectif stratégique à ces destructions. On nous a avancé, pour les justifier, qu'il s'agissait de bloquer la retraite de l'armée allemande, afin de l'empêcher de reconstituer des forces à l'arrière du front. Pourquoi alors, dans ce cas, ne s'être pas contenté de bombarder les routes et les ponts? Transformer les villes en champs de ruines n'ajoutait rien à cet objectif.

Mais tel n'était pas le but de ce déluge de bombes sur les villes. Les dirigeants alliés se paraient du masque de défenseurs de la démocratie contre la barbarie, ils se proclamaient des libérateurs et enrôlaient sous cette étiquette des dizaines de milliers de jeunes soldats prêts à payer de leur vie, en pensant qu'ils combattaient pour la liberté des peuples. Mais en fait, la Seconde Guerre mondiale fut, comme la Première, une guerre entre impérialismes rivaux pour le partage du monde, principalement entre les États-Unis, l'Allemagne et le Japon. Pour l'impérialisme américain, il s'agissait de mettre à la raison ceux qui apparaissaient comme ses concurrents et d'imposer, par la guerre, sa suprématie.

La victoire militaire allait être permise à l'impérialisme américain parce que, à l'arrière, il possédait un puissant appareil industriel (d'autant plus puissant que le continent américain échappait aux combats), capable de lui fournir des armes et des appareils bien supérieurs en nombre à ceux de ses adversaires. Si, le 6 juin 1944, les troupes alliées purent débarquer sur les plages de Normandie, c'est justement parce que cet appareil industriel était capable d'aligner suffisamment de bateaux, d'avions, de bombes pour vaincre la résistance des troupes allemandes, même si cela impliquait aussi d'être capable d'envoyer sur le terrain plus d'hommes à l'heure que les armes allemandes ne pouvaient en tuer dans le même laps de temps.

Le carnage qui en résulta parmi les combattants correspondait, de ce point de vue, à un froid calcul de l'état-major allié. Il allait se doubler d'un autre parmi la population civile des pays «libérés». Partout en Europe, l'avancée des troupes anglo-américaines s'accompagna de bombardements massifs, que ce soit en France, en Italie ou en Allemagne, contre des villes qui, à l'exemple de Dresde, ne regroupaient que des civils. Les dirigeants alliés qui s'apprêtaient à occuper l'Europe sur les ruines du IIIème Reich, craignaient d'être difficilement acceptés par les populations européennes et d'avoir des difficultés à imposer leur occupation à des peuples qui venaient de vivre des années très dures et espéraient la fin des privations. Ils craignaient des mouvements de révolte, voire des révolutions comme cela s'était produit à la fin de la Première Guerre mondiale.

De ce point de vue, les bombardements massifs étaient, pour les dirigeants alliés, un moyen de préparer le terrain. Il s'agissait de terroriser les populations en déchaînant sur elles un déluge de fer et de feu, pour bien montrer qu'ils étaient les maîtres et pour décourager d'avance toute velléité de révolte. Car, pour les États-Unis et leurs alliés, il n'était pas question de permettre aux peuples libérés de choisir le régime sous lequel ils voulaient vivre.

Les bombardements massifs contre les civils, avec leurs terribles destructions et les énormes souffrances qu'elles impliquaient pour les populations «libérées», étaient donc aussi un calcul froid et conscient de la part des dirigeants alliés. Le terrain était ainsi préparé pour leur propre occupation militaire, en attendant que puisse être mis sur pied, dans chacun des pays dits libérés, un régime présentant toutes les garanties voulues et acceptant l'ordre impérialiste mondial que les États-Unis, dirigeants du camp des vainqueurs, allaient établir au lendemain de la guerre.

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