Le texte sur le handicap à l'Assemblée : Le baratin gouvernemental03/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/06/une-1870.gif.445x577_q85_box-0%2C16%2C161%2C224_crop_detail.png

Leur société

Le texte sur le handicap à l'Assemblée : Le baratin gouvernemental

Le projet de loi en faveur des handicapés, dont l'examen par les députés à l'Assemblée nationale a débuté mardi 1erjuin, suscite le mécontentement des associations de handicapés. Elles ont tenu à manifester ce jour-là, pour faire savoir qu'elles le jugeaient insuffisant. Et pour cause!

Le principal problème des personnes handicapées est d'avoir de quoi vivre. Or, pour elles, trouver un emploi est encore plus difficile que pour le reste de la population: 26% des handicapés sont au chômage. L'obligation légale pour les entreprises privées de plus de vingt salariés et pour le secteur public d'employer un quota de 6% de personnes handicapées n'a jamais été respectée, depuis son inscription dans la loi en... 1987, les patrons préférant payer l'amende prévue en cas de non-respect de la loi. Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux Personnes handicapées, promet des "sanctions exemplaires". Mais le projet de loi reste vague sur l'alourdissement des sanctions. Il prévoit en revanche des incitations financières pour les employeurs "prêts à faire des efforts", c'est-à-dire des subventions aux patrons, sans réelle garantie pour l'embauche des salariés handicapés.

Un trop grand nombre de handicapés en sont réduits à vivre avec une très maigre allocation, l'allocation adulte handicap (AAH), 587,74 euros par mois. Aussi les associations de handicapés réclament-elles un revenu spécifique d'existence (RSE) égal au smic. Dans une interview au Figaro, la secrétaire d'État a répondu qu'il n'en était pas question. "Un écart doit être maintenu entre l'AAH et un revenu d'activité. C'est une question d'équité." Il y a un beau cynisme à évoquer l'équité pour refuser de quoi vivre un peu plus correctement aux handicapés les plus démunis.

Certes, ce projet de loi pour "l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" envisage la prise en charge des dépenses liées directement au handicap, que ce soit l'aide humaine, le fauteuil roulant, l'aménagement d'un véhicule, d'un logement ou le dressage d'un chien guide d'aveugle, par la création d'une prestation de compensation. Mais il prévoit des conditions. Cette prestation est réservée aux handicapés de 20 à 60 ans dont le taux d'invalidité dépasse 80%. À cela s'ajoutent des conditions de ressources. Toutes choses considérées, à juste titre, comme inacceptables par les associations de handicapés.

À lire ce texte, il ne devrait plus y avoir, en France, d'établissements scolaires qui n'accueillent pas d'élèves handicapés. Mais comment cela sera-t-il possible, alors que le gouvernement supprime du personnel, en particulier le personnel qui permet de s'occuper plus particulièrement de ces enfants? Quant à l'accueil dans des établissements spécialisés, Marie-Anne Montchamp promet la création de 26500 nouvelles places pour enfants et adultes... mais dans deux ans.

Depuis des décennies, les associations de handicapés se battent pour qu'il leur soit possible de prendre un bus, d'accéder à un logement ou d'entrer dans un musée. L'accessibilité était déjà inscrite dans la loi de 1975. Le gouvernement promet "l'accessibilité de tout à tous". Mais la secrétaire d'État explique par ailleurs qu'il "faudra du temps pour y parvenir", alors que les handicapés attendent déjà depuis trop longtemps.

Enfin, ce projet parle de "placer la personne handicapée au centre des dispositifs qui la concernent". Dans chaque département devrait être créée une Maison des personnes handicapées, sorte de "guichet unique où la personne handicapée et sa famille pourront être accueillies et informées". Elle regroupera dans une commission unique les services actuellement assurés par les CDES (commissions pour l'orientation des enfants handicapés) et les Cotorep, l'équivalent pour les adultes handicapés. Simplifier les démarches administratives serait certainement une bonne chose. Mais il reste à vérifier que les délais pour obtenir la reconnaissance du handicap, du taux d'incapacité ou pour obtenir l'allocation seront effectivement réduits.

En fait, l'imprécision de l'ensemble du projet de loi inquiète les associations de handicapés, d'autant que les décrets d'application peuvent beaucoup tarder à être publiés. Certains décrets d'application de la loi fondatrice sur la protection des handicapés de 1975 ne sont toujours pas sortis. Il est à craindre que ce projet, peu ambitieux malgré son intitulé pompeux, ne connaisse aucune application ou qu'une application partielle, à cause du barrage financier. La secrétaire d'État s'est félicitée du fait que 850 millions d'euros de plus allaient revenir aux handicapés grâce à la suppression d'un jour férié. À part le fait qu'une fois de plus ces millions d'euros sont volés aux salariés, cela se révélera bien insuffisant.

Ce gouvernement, tout au service des riches, fait de grandes déclarations sur l'intégration des handicapés, "grande cause nationale" selon l'expression utilisée par Chirac. Mais il ne veut surtout pas desserrer les cordons de la bourse pour autre chose que les cadeaux au patronat. Les handicapés ont donc tout à fait raison de ne pas se contenter de promesses, car tous les progrès qu'ils ont obtenus jusqu'ici, sous quelque gouvernement que ce soit, l'ont été grâce à leur pression.

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