Union européenne : Le retour des grenouilles de bénitier26/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1869.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Union européenne : Le retour des grenouilles de bénitier

À l'occasion de la dernière conférence intergouvernementale qui préparait le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement qui doit se tenir les 17 et 18 juin prochain, sept pays de l'Union européenne sont revenus à la charge pour que le texte de la Constitution européenne mentionne explicitement "l'héritage chrétien". Parmi les sept, il y avait l'Italie et le Portugal, connus pour leur sensibilité catholique et une longue tradition d'opposition au divorce et à l'avortement, mais aussi la moitié des "nouveaux entrants": la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et Malte.

Ce n'est pas la première fois que les représentants des États européens évoquent l'"héritage chrétien". Il y avait déjà eu une offensive dans ce sens lors de la Convention où s'étaient discutées les grandes lignes de la Constitution européenne, mais les partisans du goupillon avaient dû le ramener à la sacristie.

L'arrivée des nouveaux venus relance la manoeuvre. Lors de la cérémonie d'accueil aux dix nouveaux États entrants au Parlement européen de Strasbourg, plusieurs intervenants avaient affiché des opinions religieuses passablement réactionnaires à côté desquelles de Villiers passerait pour un enfant de choeur. Un parlementaire polonais avait déclaré: "Le jour où l'Union européenne a fêté son élargissement, les Polonais honoraient la Sainte Vierge Marie Reine de Pologne, Reine d'Europe et du Monde. (...) Acceptez de la nation polonaise ce présent, le trésor le plus précieux que nous avons, la Croix du Christ. Que ce crucifix devienne pour nous une force. C'est seulement en contemplant la Croix que l'Europe s'extraira du chaos et de la perdition morale." Se plaçant sous l'autorité du pape, "Saint Patron de l'unité authentique de l'Europe", il dénonçait l'avortement "pire que le terrorisme"! Et concluait: "J'ai confiance dans le fait que cette Croix, le signe de l'amour et de la victoire, sera accrochée à une digne place de ce Parlement, le premier à Strasbourg, le deuxième à Bruxelles".

Cette nouvelle initiative est ouvertement orchestrée et revendiquée par le Vatican. "L'unité des peuples européens, si elle veut durer ne peut être seulement économique et politique. L'âme de l'Europe reste encore unie aujourd'hui grâce aux valeurs humaines et chrétiennes", a déclaré le pape.

On aurait pu attendre des représentants d'un État laïc comme la France un semblant d'opposition. À l'époque du débat sur la Constitution, Chirac avait jugé le rappel de la tradition chrétienne "déraisonnable". Mais cette fois-ci, seuls les représentants de la petite Belgique sont montés au créneau pour s'opposer à cette offensive intégriste. Du côté des représentants de la France, on a plutôt entendu des propos inverses, du genre "avec dieu, il ne faut jamais dire jamais" (Michel Barnier) ou "la France n'est pas hostile à cette question" [la tradition chrétienne] (Raffarin). Comme jésuites, on ne fait guère mieux. Ce ne sont pas ces gens-là qui risquent d'éclairer des voies qui ne conduisent pas à l'obscurantisme.

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