Voter contre la droite, mais aussi contre sa politique, même menée par la gauche20/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1868.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Voter contre la droite, mais aussi contre sa politique, même menée par la gauche

Quoi qu'en disent les dirigeants politiques, les prochaines élections des députés pour le Parlement européen seront avant tout une occasion pour les grands partis de mesurer les rapports de force électoraux.

La droite cherchera à faire oublier le désaveu cuisant qui a été infligé au gouvernement lors des élections régionales. Le Parti Socialiste cherchera, comme aux régionales, à canaliser à son profit le mécontentement suscité par la politique antipopulaire de Chirac-Raffarin-Sarkozy...

À l'approche des élections, le gouvernement fait profil bas, en cédant ou en faisant mine de reculer, comme il vient de le faire pour les intermittents du spectacle. Mais les intermittents ont tout à fait raison de se méfier des paroles du ministre, qui se veut apaisant. Ils savent que ce n'est pas le gouvernement mais le Medef qui décide. Ils savent aussi que, les élections passées, le gouvernement peut oublier ses promesses d'aujourd'hui.

Le gouvernement Chirac-Raffarin reste un des plus réactionnaires que le pays ait connus depuis longtemps. Il continuera ses attaques contre les travailleurs parce que tel est l'intérêt du grand patronat et parce que le gouvernement est aux ordres du grand patronat. Ce qu'il appelle la "réforme" de la Sécurité sociale est l'amorce de son démantèlement au profit de sociétés d'assurance privées. Les mesures immédiates, présentées comme nécessaires pour combler le déficit de l'assurance-maladie, rendront plus difficile l'accès aux soins pour les classes populaires. Le déficit pourrait être immédiatement comblé, si le gouvernement obligeait le patronat à payer ce qu'il doit, et si les cotisations patronales avaient augmenté au même rythme que celles des salariés, s'il était mis fin aux cadeaux faits au grand patronat au détriment de la Sécurité sociale, si cessaient les diminutions de charges patronales.

Mais, pour le gouvernement, il n'est pas question de faire payer le patronat. Il fera donc payer plus les assurés. Même si, à la télévision, Douste-Blazy a été évasif sur les mesures précises, les assurés paieront, soit directement, soit par le biais de la CSG ou du "remboursement de la dette sociale", ce RDS qui devait être provisoire à l'origine mais dont chaque gouvernement prolonge l'application. Il y aura plus de contrôles sur les arrêts maladie, un moindre remboursement des frais hospitaliers et chacun devra sans doute payer un ou deux euros à chaque consultation.

Le Parti Socialiste, s'il prétend s'opposer au gouvernement sur la Sécurité sociale, dit, comme la droite, qu'il faut la réformer, alors qu'en réalité il faudrait faire payer le grand patronat.

Les élections pour le Parlement européen, dont le pouvoir est plus limité encore que celui de l'Assemblée, ne permettent rien d'autre que d'exprimer une opinion. Autant qu'elle soit forte et claire. La gifle au gouvernement doit être en même temps un vote d'avertissement envers le PS, pour lui dire que les salariés n'accepteront pas qu'un prochain gouvernement socialiste foule aux pieds leurs intérêts, comme l'a fait Jospin pendant cinq ans. Désavouer clairement la droite gouvernementale et sa politique, oui, mais sans amnistier la gauche pour le passé et sans la cautionner pour l'avenir.

Et l'Europe dans tout ça? Eh bien, l'unification de l'Europe, c'est une bonne chose. Elle devrait être faite depuis longtemps, d'un bout à l'autre du continent, si les possédants de chaque pays n'étaient pas accrochés à leurs États respectifs, pour pomper à leur profit l'argent public en temps de paix et, périodiquement, pour se livrer des guerres sanglantes avec la peau des classes populaires.

Oui, l'unification de l'Europe est un progrès. Mais l'unification ne pourra être poussée jusqu'au bout, jusqu'à une Europe sans frontières, dont tous les travailleurs bénéficieraient des salaires et des protections sociales alignés par le haut, où les entreprises seraient empêchées de licencier pour des raisons boursières en jouant avec la vie des hommes, que lorsque sera mis fin au pouvoir incontrôlé des grands groupes industriels et financiers sur l'économie et sur la société.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 17 mai 2004

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