Hôpital Beaujon (Clichy - 92) : Le virus de la mobilité horaire menace tout l'hôpital20/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1868.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpital Beaujon (Clichy - 92) : Le virus de la mobilité horaire menace tout l'hôpital

À l'hôpital Beaujon, l'organisation du travail obéit toujours au principe des trois équipes: le jour (de 7 heures à 14 h 30 environ), la garde ou après-midi (environ 13 h 30 à 21 heures) et la veille ou nuit (21 heures à 7 heures). Contrairement à d'autres établissements, la direction n'a pas installé le système de la "grande équipe", qui permet de faire tourner le personnel sur plusieurs équipes, au gré des besoins de l'administration ou des cadres infirmiers.

À la dernière sortie des écoles, ce système a permis à Beaujon d'attirer la candidature de quelques infirmières nouvellement diplômées. Elles ont choisi l'affectation qui leur permet d'avoir une vie organisée de manière régulière, et non de subir la flexibilité. Théoriquement, du moins.

De plus en plus de services, en effet, donnent des coups de canif dans le contrat, demandant au personnel des changements d'équipe fréquents, souvent pour effectuer un service de garde, car c'est l'après-midi qu'on manque le plus de personnel. On rencontre toutes les pratiques imaginables.

En chirurgie digestive, le procédé est fréquent. Les cadres ne font pas vraiment pression, mais demandent, notamment aux nouvelles embauchées qui ont bien du mal à refuser, de changer d'horaire. Certains week-ends, par exemple, une infirmière de jour est déplacée de garde et doit être remplacée sur son poste de jour par un membre du pool.

Le pool est une équipe composée d'infirmiers et aides-soignants, qui ne sont pas affectés à un service particulier, mais remplacent les absences dans l'ensemble de l'hôpital. Pourquoi alors ne pas mettre directement de garde la personne du pool? C'est que la direction a bien trouvé des agents pour être du pool de jour, mais elle n'en a pas trouvé pour le pool de garde.

En pneumologie, le bricolage est identique. Des agents en poste de jour sont déplacés de garde et remplacés par le pool.

En hépatologie, ce sont deux nouvelles infirmières qui tournent. Pour une fois, il s'agit d'un volontariat. Ces personnes ont été embauchées sur la base d'une alternance un mois de jour, un mois de garde. Mais, faute d'effectifs suffisants, les deux se trouvent bloquées de garde depuis quatre mois! Même quand il y a des volontaires pour tourner, la pénurie de personnel fait que le système ne fonctionne pas!

En neurochirurgie, devant un nombre important de congés maternité, longues maladies et départs en retraite, le personnel a refusé la mobilité horaire et la remise en cause de ses repos. Mais la direction ne connaît pas l'embauche, elle préfère fermer des lits et pratiquer la diminution de l'offre de soins.

En médecine interne, des soignants de jour sont déplacés de garde. Des lits ayant tout de même été fermés parce qu'il manque du personnel de garde, on demande à des soignants d'aller dans d'autres services sous prétexte qu'à 3 pour 25 malades, ils sont trop nombreux! Qu'importe aux cadres si parmi ces malades figurent des personnes grabataires et très lourdes.

En cardiologie, c'est à l'équipe de garde qu'il a été demandé de passer de jour. Aujourd'hui, elle n'ose plus le faire, car de 4 sur les 5,5 postes prévus, les infirmières ne sont plus que 3.

Dans ce service, et peut-être aussi dans d'autres, les cadres demandent aussi aux aides-soignants de changer d'équipe. Par exemple à ceux de garde de tenir le bureau de 11h20 à 18h30. Le vendredi, jour de fermeture de l'Hôpital de Semaine, on laisse à un aide-soignant le choix de venir de 9h30 à 17h30, ou de 13h30 (prise normale de service) à 17heures, mais en lui prenant d'office un demi-jour de RTT! On a même demandé à une aide-soignante de passer de nuit.

Ce n'est qu'un aperçu des mille manières par lesquelles cadres et directeurs gèrent au jour le jour la pénurie générale d'effectifs, au détriment des conditions de travail du personnel et de la qualité des soins des malades. Tout ce que le directeur de l'hôpital a su imaginer pour y remédier, c'est de proposer aux syndicats de s'associer avec les cadres et la direction pour, service par service, chercher des solutions permettant au système de continuer à tourner! Ou, plus exactement, il leur a demandé d'endosser avec lui la responsabilité du désastre permanent.

Mais il n'est besoin d'aucune commission de service pour savoir que la seule solution est dans l'embauche immédiate de milliers de soignants.

Partager