Pour une Europe unie, débarrassée de la dictature des financiers13/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1867.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Pour une Europe unie, débarrassée de la dictature des financiers

Les grands partis se lancent, les uns après les autres, dans la campagne pour les élections européennes qui auront lieu le 13 juin. Derrière les envolées sur l'Europe, chaque camp a surtout des préoccupations de politique intérieure. Raffarin voudrait que les résultats des listes UMP soient assez bons pour lui permettre de prétendre que le désaveu qui lui a été infligé aux Régionales est accidentel. Le Parti Socialiste, de son côté, voudrait que le mécontentement à l'égard de la politique du gouvernement se traduise, comme aux Régionales, par un vote massif en faveur de ses listes. Ses dirigeants font appel au "vote sanction" contre le gouvernement.

À coup sûr, les élections européennes offrent une nouvelle occasion de désavouer la politique de ce gouvernement à plat ventre devant le grand patronat et le Medef, qui, après avoir amputé les retraites, s'attaque à l'assurance maladie, au droit de se soigner convenablement. Ce serait dommage de ne pas se saisir de l'occasion.

Mais on ne peut cautionner le PS qui, pendant les cinq ans où il a dirigé le gouvernement, n'a pas protégé les travailleurs contre les licenciements, au contraire, et dont bien des mesures contre les travailleurs ont préparé celles de la droite.

Contrairement aux Régionales, les Européennes n'ont pour enjeu de décider ni d'une majorité ni de la couleur d'un exécutif. L'électorat populaire a intérêt, tout en s'opposant clairement à la droite, à avertir qu'il n'acceptera pas qu'un nouveau gouvernement de gauche mène, comme Jospin, une politique favorable au seul grand patronat.

Faut-il ou non un référendum pour adopter la future Constitution européenne, ou encore la Turquie fait-elle ou non partie de l'Europe? Voilà les seules questions qui préoccupent la caste politique.

Comme si une Constitution, tout entière élaborée pour protéger la propriété privée et les intérêts patronaux, pouvait devenir meilleure si elle était adoptée par référendum! Comme s'il était souhaitable de claquer la porte de l'Europe au nez de la Turquie alors que des millions de travailleurs turcs vivent et travaillent en France ou en Allemagne et qu'on considère les populations des restes de l'ancien empire colonial français comme européennes d'office, même si elles vivent en Amérique du Sud ou en Polynésie.

Le Parti Socialiste, lui, parle d'Europe sociale et se prononce même pour un salaire minimum européen. Il affirme cependant qu'il est impossible que le salaire minimum polonais ou slovène puisse être du même montant qu'en France. Mais pourquoi donc serait-il plus difficile d'imposer un salaire minimum européen, aligné sur le pays où il est le plus élevé, que d'imposer la monnaie unique, l'euro, et les contraintes budgétaires qui vont avec ?

Les travailleurs, la population, ont intérêt à une Europe unie, sans frontières entre les peuples, aussi large que possible. Mais cette Europe ne pourra être sociale ni véritablement unifiée que si elle est débarrassée de la dictature des groupes financiers. Ce n'est pas l'unification européenne, mais c'est cette dictature-là qui est responsable du chômage, des bas salaires, des retraites amputées et de l'assurance maladie menacée.

L'extrême droite, imitée par certains à gauche, brandit contre l'Europe la menace des délocalisations des usines ou celle de la venue massive de travailleurs aux salaires bas, pesant sur les salaires d'ici. Comme si, depuis plus d'un siècle, les capitaux ne se "délocalisaient" pas sans cesse pour s'investir là où ils rapportent le plus! Comme si, bien avant l'élargissement de l'Europe, les grandes entreprises n'avaient pas l'habitude d'importer des travailleurs mal payés du Maghreb, de Turquie ou d'Afrique noire !

Ce ne sont pas les frontières qui nous protègent des licenciements; pas plus qu'elles ne nous protègent contre les bas salaires. Ne les laissons pas nous opposer les uns aux autres.

Travailleurs d'Europe, ensemble nous représentons une force capable d'interdire les licenciements et d'imposer des salaires corrects pour tous.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 10 mai 2004

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