Intermittents : Mobilisés pour faire "canner" le gouvernement13/05/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/05/une1867.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Intermittents : Mobilisés pour faire "canner" le gouvernement

Craignant que les intermittents ne perturbent le festival de Cannes, et d'autres qui suivront, le gouvernement a tenté de désamorcer leur colère. Mais les intermittents restent mobilisés, comme ils l'ont montré récemment. Ils continuent à s'opposer à la politique du gouvernement sur la réforme de leur régime d'indemnisation du chômage.

La principale mesure annoncée par le ministre de la Culture, Donnedieu de Vabre, la semaine dernière, est la création d'un "fonds spécifique provisoire" géré par l'Unedic, auquel l'État contribuera à hauteur de 20 millions d'euros. Ce fonds permettrait de financer une allocation pour ceux qui ont perdu leurs droits suite à l'accord signé en juin 2003 qui a suscité la colère.

Mais cette allocation ne serait allouée qu'au compte-gouttes, "sur la base d'un examen des situations individuelles depuis le 31 décembre 2003" a précisé le ministre de la Culture. D'après les chiffres de l'Unedic communiqués par le ministre, le nouveau système d'indemnisation prive chaque mois 1500 intermittents de leurs droits, ce qui fait un total de 18000 personnes au bout d'une année. Ainsi le fonds de 20 millions devrait-il être partagé entre ces 18000 salariés, ce qui revient à une allocation mensuelle de 92 euros pour chacun d'entre eux! La CGT-spectacle, majoritaire dans le secteur, a réagi à cette nouvelle en parlant d'une "véritable provocation".

Le secrétaire adjoint de la fédération, Jean-François Pujol, a déclaré: "Il ne faudra pas s'étonner s'il y a des dégâts dans les festivals dès la semaine prochaine," qualifiant ces mesures d'"aumône". Deux jours avant l'ouverture du festival de Cannes, Raffarin, dans une lettre adressée au président de l'Unedic, a demandé de prendre "en urgence" des dispositions pour les femmes enceintes, comme s'il découvrait le problème. "Les spécificités de l'emploi culturel en termes d'engagement physique... me paraissent devoir être prises en compte", a-t-il écrit, souhaitant un "retour aux pratiques antérieures" à l'accord de juin 2003 qui, en modifiant le mode de calcul des heures travaillées, pénalise les femmes enceintes et les malades. Mais le ministre de la Culture s'était déjà prononcé pour des aménagements concernant la prise en charge des intermittents ayant eu un arrêt maladie ou un congé de maternité. Avant lui, l'ancien ministre Aillagon avait également fait des déclarations dans le même sens, publiquement, et à deux reprises. Le gouvernement reculera peut-être sur cette question devant la détermination des intermittents, mais, en attendant, ils ont toutes les raisons d'être méfiants.

De toute façon, ils se battent pour obtenir satisfaction sur l'ensemble de leurs revendications. Ils exigent notamment de revenir au statut antérieur, qui leur permettait de percevoir les indemnités de chômage quand ils avaient effectué 507 heures de travail sur douze mois (au lieu de dix mois pour les techniciens et dix mois et demi pour les artistes prévus dans le nouveau protocole). Ils revendiquent également la même durée d'indemnisation qu'auparavant (douze mois au lieu de huit).

Les intermittents maintiennent la pression. Ils ont provoqué l'inquiétude, voire la colère de commerçants, restaurateurs et hôteliers cannois. Comme ce directeur général du Martinez, un grand hôtel de luxe qui offre des chambres avec vue sur la colline à partir de 260euros (petit déjeuner compris, tout de même!), ces patrons ont le culot de protester contre des salariés dont le travail leur rapporte finalement beaucoup d'argent, puisque c'est grâce à eux que ce genre de manifestation peut se tenir. De plus, certains, parmi les restaurateurs en particulier, ont dû oublier qu'il y a peu, ils ont obtenu du gouvernement un cadeau de 1,5 milliard d'euros, soit 75 fois plus que ce que le gouvernement se dit prêt à débourser pour les intermittents. Ceux-ci ont donc bien raison de continuer à se battre. Il n'y a qu'ainsi qu'ils pourront faire reculer le patronat et le gouvernement.

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