Fusion Sanofi-Aventis, ou comment une OPA hostile devient amicale !28/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1865.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Fusion Sanofi-Aventis, ou comment une OPA hostile devient amicale !

L'OPA lancée par Sanofi-Synthélabo contre Aventis en janvier dernier, et alors dite «hostile» car sans l'accord des dirigeants d'Aventis, s'est terminée dimanche 25 avril par l'accolade entre les dirigeants des deux sociétés.

Pourquoi une OPA «hostile» ?

Cela faisait des années que des rumeurs circulaient sur une fusion entre Sanofi et Aventis et même entre Sanofi et Rhône-Poulenc, avant le rapprochement de Rhône-Poulenc avec Hoechst, qui donna naissance à Aventis en 1999.

Cette concentration est permanente dans l'industrie pharmaceutique mondiale. Tel groupe, après avoir absorbé une autre société, devient lui-même, quelques mois plus tard, la proie d'une OPA de la part d'un concurrent plus puissant, voire même d'un groupe dont le chiffre d'affaires est plus faible mais dont la trésorerie est plus fournie. C'est ce qui s'est passé entre Aventis et Sanofi. C'est le «petit» qui a absorbé le «gros». Sanofi était capable de mettre sur la table 23 milliards d'euros pour mener son OPA, plus 25 milliards apportés par les banques. Le taux de profit de Sanofi, plus élevé que celui d'Aventis, lui a permis de se constituer une «tirelire» de 23 milliards d'euros, soit environ deux fois le déficit annuel de l'assurance-maladie.

Seulement les dirigeants d'Aventis ne voyaient pas cette OPA d'un bon oeil pour deux raisons. Tout d'abord, ils considéraient que leur entreprise n'était pas assez «valorisée», comme disent ces messieurs dans leur jargon, c'est-à-dire, pour parler plus crûment, que le cours de rachat des actions Aventis fixé par Sanofi n'était pas assez élevé. Une surenchère de 14% par rapport au cours de l'action Aventis ne leur suffisait pas. D'autre part, les hauts dirigeants d'Aventis craignaient de perdre leurs postes au moment de la fusion des deux états-majors. Toute la stratégie d'Aventis, durant les trois mois qu'a duré ce feuilleton, a tourné autour de ces deux points. Se vendre oui, mais au plus offrant!

Les tartuffes !

Bien entendu, officiellement, des deux côtés on a mis en avant l'intérêt de la recherche médicale française (Sanofi), la sauvegarde de l'emploi (Aventis) et même carrément l'intérêt national (Raffarin).

Landau, le PDG d'Aventis, affirmait que l'offre de Sanofi n'était conforme ni à l'intérêt des salariés ni à celui des actionnaires. Tous les salariés d'Aventis ont même reçu à leur domicile une plaquette sur papier glacé pour les convaincre de ne pas vendre leurs actions à Sanofi et, surtout, pour les solidariser avec les choix des dirigeants.

Du côté de Sanofi, on se souvient de cette campagne de publicité très agressive cherchant à démontrer que ce groupe n'était animé que par l'intérêt des populations souffrantes.

Cela dit, deux précautions valant mieux qu'une, les dirigeants d'Aventis, en même temps qu'ils engageaient des pourparlers avec Novartis (un géant suisse de l'industrie pharmaceutique) pour, disaient-ils, se protéger de l'OPA inamicale de Sanofi (ce qui leur permettait en même temps de faire monter les enchères), prenaient des dispositions pour assurer leurs arrières.

Ainsi, en l'espace de trois mois, ils décidaient successivement pour eux-mêmes, en conseil d'administration, deux mesures de taille. D'abord, ils se votaient l'amélioration d'une retraite «maison» confortable, assurant aux cadres de haut niveau une retraite minimum pouvant aller jusqu'à 40% de leur ancien revenu global annuel; les syndicats parlaient alors de retraite en or pour les dirigeants. Puis, il y a un mois à peine, l'échéance de la fusion se rapprochant, ils s'octroyaient des indemnités de licenciement «spéciales» s'ajoutant aux indemnités contractuelles. Ainsi, les sept membres du directoire toucheraient 89,8 millions d'euros en cas de licenciement, et Landau, c'est une certitude maintenant, touchera à lui seul plus de 24 millions d'euros.

Finalement, dimanche 25 avril, Dehecq, PDG de Sanofi, acceptait de «répondre aux attentes du marché», comme disent pudiquement les journalistes financiers, c'est-à-dire de réévaluer son offre à 55,3 milliards d'euros, au lieu des 48,5 pour l'offre initiale, tout en garantissant leur place aux cadres dirigeants d'Aventis, à l'exception de Landau.

Et là ce fut le miracle, dans la nuit du dimanche au lundi, l'OPA devenait «amicale»: à 60 euros l'action, c'était contraire à l'intérêt des malades, des salariés et de l'industrie pharmaceutique, mais à 69 euros, il n'y avait plus de problème!

Les salariés inquiets mais lucides

Depuis des mois, les discussions... et les interrogations sont nombreuses. Reprenant les arguments de certains syndicats (CGC et CFDT), des travailleurs pensent qu'une fusion avec Sanofi est un moindre mal par rapport à un rapprochement avec Novartis, ou encore qu'il vaut mieux rester «français».

Mais tous craignent que nous fassions les frais, une fois de plus, de cette fusion. Ce fut en effet le cas lors de la fusion entre Rhône-Poulenc et le laboratoire Rorer, puis lors de celle avec Hoechst, qui donna naissance à Aventis. Cela s'est traduit par la vente d'usines: Saint-Génis Laval et L'Aigle au groupe grec Famar, Villeneuve-la-Garenne à la société PCAS, vente partielle de l'usine d'Elbeuf. Et cela c'est traduit par des centaines de suppressions d'emplois, plus de 600 emplois à Romainville, à Vitry-sur-Seine et à la Croix-de-Berny (Antony) avec la fermeture totale du centre de recherche de Romainville. À ce jour, 190 salariés n'ont toujours pas été reclassés (ni en interne, ni en externe) et seront donc licenciés au 13 mai ou au 13 juin 2004.

Dans ces conditions, les engagements du PDG de Sanofi garantissant qu'il n'y aura pas de licenciements secs, ajoutant que «ce n'était pas son genre», ne rassurent pas vraiment. Les mêmes discours nous avaient été tenus par les dirigeants d'Aventis au moment de la restructuration de la recherche.

Mais une chose est claire pour tous désormais: ces fusions ne sont motivées que par la volonté des gros actionnaires de maintenir, voire d'améliorer, un taux de profit pourtant déjà très élevé dans l'industrie pharmaceutique (entre 15 et 20% en moyenne). Chacun, maintenant, est dans l'expectative: comment et où se feront les milliers de suppressions d'emplois déjà programmées?

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