On ne peut pas défendre les intérêts des travailleurs dans les gouvernements de la bourgeoisie22/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1864.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

On ne peut pas défendre les intérêts des travailleurs dans les gouvernements de la bourgeoisie

Pour son centième anniversaire, l'Humanité a eu droit à un hommage quasi unanime des grands moyens d'information, qui ont tous plus ou moins longuement évoqué les cent ans d'histoire traversés par le journal fondé en 1904 par Jaurès, devenu l'organe du Parti Communiste en 1921.

L'Humanité a bien changé depuis. Elle ne se présente même plus comme l'organe d'un parti. Mais quoi qu'il en soit, elle reste dans la presse française un quotidien à part: le seul qui se présente ouvertement et pas hypocritement comme un journal politique; le seul aussi qui doive sa longévité et sa survie (alors que tout autre aurait disparu avec un nombre de lecteurs aussi réduit) au dévouement de milliers de militants. Mais à lire le numéro spécial de l'Humanité consacré à ce centenaire, et à la liste des événements retenus comme ayant marqué ce siècle d'existence, on ne peut que s'interroger sur l'utilisation qui a été faite par la direction du Parti Communiste de cette somme de dévouements.

Comme tous les Partis Communistes de l'époque, l'Humanité des années 1920 condamnait la participation des communistes à des gouvernements refusant de mettre en cause la domination du grand capital sur l'économie. C'est sur la mobilisation des travailleurs, sur la lutte de classe, qu'elle comptait pour changer la société et la vie. L'Humanité de 2004 est au contraire fière de rappeler qu'il y a eu des ministres communistes avec De Gaulle et dans les différents gouvernements qui se sont succédé de 1944 à 1947, comme avec Mitterrand et Mauroy de 1981 à 1984, et enfin avec Jospin de 1997 à 2002.

Que cela ait suscité des espoirs parmi beaucoup de travailleurs, c'est certain. Mais à quoi cela a-t-il finalement servi? Pourquoi chacun de ces épisodes a-t-il finalement débouché sur un retour en force de la droite?

Pour ne reprendre que l'exemple le plus récent, qui est encore dans toutes les mémoires, pourquoi quatre millions d'électeurs ont-ils abandonné Lionel Jospin et Robert Hue après cinq ans de gouvernement de la «gauche plurielle», sinon parce qu'ils avaient été déçus par la politique de ce gouvernement, qui se déclarait incapable d'empêcher les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises, qui maintenait les amputations du régime des retraites pratiquées par Balladur, qui multipliait les dégrèvements de charges sociales aux entreprises et les cadeaux fiscaux aux plus riches, ruinant ainsi et la Sécurité sociale et les caisses de l'État?

N'y a-t-il pas d'autre perspective que de voir la droite et le Parti Socialiste alterner au pouvoir, chacun continuant la politique du gouvernement qui l'a précédé?

Le tandem Chirac-Raffarin, et toute la droite avec lui, vient d'être sanctionné aux récentes élections régionales. Mais qu'est-ce que cela changera dans les régions pour les travailleurs, ceux d'Alstom par exemple? La gauche reviendra peut-être au gouvernement dans trois ans. Mais est-ce que ce sera une fois de plus pour continuer la politique de la droite, et préparer le retour de celle-ci?

La seule perspective de la direction du Parti Communiste, c'est de rechercher un accord avec celle d'un Parti Socialiste qui se veut, comme disait déjà Léon Blum, un «loyal gérant» du capitalisme. Cette politique menée sans discontinuer pendant des années a certes permis à quelques dirigeants d'occuper des strapontins ministériels, mais elle n'a rien apporté à la classe ouvrière et elle a contribué à démoraliser beaucoup de travailleurs, comme à en pousser bon nombre à renoncer à l'activité militante.

Pourtant les trésors de dévouement dépensés pour faire vivre l'Humanité et le Parti Communiste méritaient mieux que cela. C'est pourquoi ce qui vaut la peine d'être salué, dans les cent ans d'histoire du journal l'Humanité, c'est qu'il y eut une époque où la presse aux ordres de la bourgeoisie, loin de lui rendre hommage, le haïssait, parce qu'il défendait la perspective d'une société débarrassée de l'exploitation, de la guerre et de la misère. D'une société qui en aurait fini avec la barbarie capitaliste.

Arlette LAGUILLER

Editorial des bulletins d'entreprise du 19 avril 2004

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