Des maires contre les expulsions : Ce n'est pas légal, disent les tribunaux22/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1864.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des maires contre les expulsions : Ce n'est pas légal, disent les tribunaux

Le préfet de Seine-Saint-Denis a porté plainte contre les maires qui ont déclaré leur commune «zone hors expulsions locatives». À l'exemple du maire PCF de Bobigny, Birsinger, qui en est à l'initiative, une dizaine de maires du PCF en région parisienne, mais aussi en province, ont pris un arrêté stipulant «qu'aucune personne ou famille ne sera expulsée pour des raisons économiques ou pour une cause d'insécurité sociale».

Mercredi 14 avril, deux de ces maires étaient assignés en justice, ceux de Bobigny et de Stains. Pour les soutenir, ils avaient appelé, ainsi que leurs collègues signataires, à manifester devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Une soixantaine de personnes avaient répondu à cet appel. Cela a fourni l'occasion de rappeler les raisons pour lesquelles ils ont pris cette mesure. Dans le département de Seine-Saint-Denis, les expulsions ont augmenté de 70% l'an dernier et le préfet s'en félicitait parce que, selon lui, cela permettait d'économiser l'argent de l'État. 2,5 millions d'euros d'économies et 2900 familles jetées à la rue.

Il est de plus en plus difficile de se loger

Évoquant plusieurs cas d'expulsion en attente dans sa commune, l'adjointe au maire de Stains a rappelé que la crise du logement s'intensifie. Elle est alimentée bien sûr par l'aggravation des conditions de vie des salariés, par les baisses de salaires consécutives à des licenciements ou à l'augmentation du coût de la vie. Mais elle se nourrit aussi de la flambée spéculative sur les loyers.

Et les logements sociaux manquent cruellement. Le maire de Saint-Denis, Patrick Braouzec, a dénoncé le fait que, sur les 1157 communes d'Ile-de-France, une centaine concentrent la moitié des logements sociaux. Certaines municipalités, comme celle du Raincy par exemple, refusent carrément de construire de tels logements. C'est pourtant une obligation légale mais ces municipalités préfèrent payer des compensations, dérisoires, plutôt que de construire des logements sociaux.

Un toit c'est un droit

Lors du procès, l'avocate de la municipalité de Stains faisait remarquer que les maires du PCF ne faisaient, après tout, qu'appliquer la loi qui prévoit que les maires ont pour tâche de garantir la sûreté des personnes sur le territoire dont ils ont la charge. Elle rappelait que le droit au logement était inscrit dans les droits de l'Homme et qu'on pouvait considérer le manquement à ce droit comme un désordre grave.

Elle a souligné le fait que le préfet ne voulait exercer ses prérogatives que dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui permettent d'expulser ces gens, mais pas pour garantir le droit au logement.

Ce plaidoyer n'a pas été entendu par les juges qui, dès le lendemain, suspendaient les arrêtés des maires, en déclarant qu'ils étaient illégaux. Les juges ont volé au secours du préfet et, derrière lui, des propriétaires bailleurs. Entre le droit de propriété et le droit de se loger, la justice a tranché en faveur des propriétaires. Les maires incriminés ont déclaré qu'ils feraient appel. En attendant, ils invitent la population à se mobiliser. Seuls les habitants, les voisins des expulsés et les associations militant pour le droit au logement peuvent faire reculer les pouvoirs publics et empêcher les expulsions.

En prenant de tels décrets, les maires concernés savaient à l'avance que leur décision serait récusée par la justice. En ce sens, leur prise de position ne pouvait être que symbolique. Mais en agissant de la sorte, ils offrent un point d'appui qui peut servir à la population à se mobiliser contre les mesures d'expulsion qui illustrent, de façon scandaleuse, un des aspects de l'injustice qui frappe les plus démunis.

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