Altadis : Un trust du tabac se fait griller22/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1864.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Altadis : Un trust du tabac se fait griller

Les salariés du trust cigarettier Altadis, l'ancienne Seita, qui avaient attaqué leur direction en justice pour contester son plan de restructuration, viennent de remporter une victoire, certes provisoire et limitée, mais réelle, puisque le juge des référés a suspendu l'application de ce plan.

En juillet dernier, l'annonce par Altadis d'un plan de restructuration qui prévoyait la suppression de 1276 emplois, dont 701 en France, avait soulevé une vive émotion, en particulier à Lille, où était annoncée la fermeture pure et simple de l'usine.

Baptisé sans pudeur par la direction «Plan de Sauvegarde de l'Emploi», ce projet était d'autant plus révoltant que depuis sa privatisation, en 1995, ce trust à capitaux français et espagnols engrange d'énormes bénéfices, en hausse constante. Le résultat de 2003 battait tous les records, avec plus d'un milliard d'euros. Le maintien de quelques centaines d'emplois n'écornerait guère ce résultat.

Mais c'est aux actionnaires, pas aux travailleurs, que la direction veut plaire. Et elle affiche, sans complexe, sa volonté d'accroître la productivité de 15% dans les deux ans à venir.

En attendant, la décision du tribunal des référés vient d'accorder un sursis de quelques semaines aux salariés. Le 11 mai, un autre tribunal doit statuer sur le fond de l'affaire, à savoir l'existence d'un «motif économique» valable pour justifier le plan dit social.

Ce «motif économique» est en effet la condition pour qu'un plan de licenciements soit admissible aux yeux de la loi. Mais cette apparente restriction à la libre volonté patronale est en réalité formelle. La notion élastique de «motif économique» inclut en réalité les cas où les entreprises sont largement bénéficiaires, mais prétendent devoir licencier beaucoup aujourd'hui... pour ne pas devoir licencier encore davantage demain. C'est très précisément cette argumentation que met en avant la direction d'Altadis. Pour les juges, il n'est pas question de mettre leur nez dans la comptabilité de ces entreprises pour vérifier les dires des patrons. Le droit de propriété, «inviolable et sacré», n'est pas inscrit par hasard dans la Constitution.

Nul ne sait si, le 11 mai, le tribunal exaucera, comme bien souvent, les volontés patronales, ou s'il priera Altadis de revoir sa copie. Souhaitons en tout cas que, d'ici là, la victoire juridique que les salariés viennent de remporter constitue un encouragement à poursuivre la lutte par d'autres moyens. C'est alors eux qui décideraient des règles.

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