Éducation : Une politique qui aggrave les inégalités24/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1860.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Éducation : Une politique qui aggrave les inégalités

Les problèmes posés par la scolarisation des enfants dès deux ans font l'objet de discussions, notamment dans un livre récent.

Comme le laisse entendre le titre de son ouvrage, Ne mettez pas votre enfant à l'école, il est trop petit, l'auteure, une institutrice, se prononce contre. Un rapport sur l'enfance, publié il y a quelques mois (rapport de Claire Brisset, défenseure des enfants, fonction instituée en 2000), allait dans le même sens puisqu'il suggérait de «cesser de développer l'accueil des enfants de deux ans à trois ans en maternelle dans les conditions actuelles».

La scolarisation des tout-jeunes enfants a progressé durant les vingt dernières années, pour atteindre à présent le tiers de cette classe d'âge. Les spécialistes ne sont pas tous d'accord sur ce qu'elle peut apporter. On comprend cette prudence. Mais les critiques, quand elles sont émises, concernent bien plus les conditions dans lesquelles elle se fait, que le principe lui-même. Ainsi, le trop grand nombre d'enfants (souvent plus de trente) dans ces classes est souvent dénoncé. Alors, pourquoi ne pas créer des classes à très petits effectifs? Le syndicat des instituteurs, le SNUipp, majoritaire dans la profession, réclame depuis des années des effectifs à quinze enfants maximum.

Mais le gouvernement, qui vient d'annoncer des milliers de suppressions de postes dans l'Éducation nationale, qui ferme des classes, diminue le nombre d'adultes présents dans les écoles en supprimant de milliers de postes d'aides-éducateurs, qui propose de regrouper les écoles, ne s'apprête évidemment pas à se donner les moyens pour «bien accueillir les enfants», au contraire. Xavier Darcos, le ministre délégué à l'Enseignement, avait déclaré il y a plusieurs mois qu'il fallait «freiner la scolarisation des enfants de deux ans pour libérer des emplois». On ne peut pas être plus clair.

Un linguiste, Alain Bentolila, déclare que «si la société française n'accorde pas l'importance qu'elle lui doit à l'accueil des tout-petits, ces deux ans dont nous parlons, alors elle prend le risque de condamner injustement ceux qui sont issus des milieux les plus défavorisés à ne pas se développer comme ils le devraient au plan linguistique, au plan social, au plan psychologique.»

L'inégalité sociale ne fait que s'aggraver. On compte un million d'enfants pauvres, qui n'ont accès ni à un logement décent, ni à des loisirs, et qui ne mangent parfois même pas à leur faim. Tous ces enfants, et plus largement tous les enfants issus des classes populaires, devraient avoir la possibilité d'être scolarisés dans des classes à très petits effectifs, encadrés par des enseignants compétents pour les faire progresser, en particulier dans l'apprentissage du langage. Pour beaucoup d'entre eux en effet, ce n'est que dans ce cadre qu'ils pourront acquérir ces bases qui leur permettront ensuite de développer leurs capacités intellectuelles, et de s'épanouir tout simplement. Comme le souligne ce linguiste, l'école pourrait ainsi diminuer, au moins un peu, ces inégalités, au lieu de les aggraver.

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