Hutchinson - Chalette-sur-Loing (Loiret) : Une grève pour les salaires et la dignité18/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1859.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hutchinson - Chalette-sur-Loing (Loiret) : Une grève pour les salaires et la dignité

Chez Hutchinson à Chalette-sur-Loing près de Montargis, nous avons été en grève une semaine, du mardi 9 mars au lundi soir 15 mars pour une augmentation de 100 euros que nous jugions indispensable vu les salaires qui sont très bas.

Nous avons repris le travail mardi matin 16 mars, ayant obtenu une augmentation de 2,1% avec un minimum de 35 euros, la revalorisation de toutes les primes et une prime exceptionnelle de 100 euros sur la paie d'avril. Sur le paiement des jours de grève, la direction qui, au départ ne voulait rien payer, a dû faire des concessions.

Des salaires très bas

Cette usine de caoutchouc fabrique des Durit et des flexibles pour l'industrie automobile, PSA, Renault... et des pneumatiques pour les vélos. Elle emploie près de 1600 personnes plus les intérimaires.

Cela faisait un moment que le mécontentement sur les salaires s'exprimait. Les ouvriers de la Préparation -ils fournissent les mélanges (le caoutchouc) à tous les secteurs de l'usine- s'étaient déjà mis en grève au mois de décembre pour des augmentations de salaire. Ce sont eux qui les premiers ont revendiqué 100 euros.

Février, c'est la période des négociations salariales. La direction proposait au départ 1% en mars et 0,5% en septembre. Fin février, à l'issue d'un débrayage appelé par la CGT, elle a proposé 1% en mars et 0,9% en septembre. C'était bien trop insuffisant. Les salaires sont très bas. Beaucoup d'ouvriers de production gagnent encore moins de 1000 euros. Pour les ouvriers les moins mal payés, toutes primes comprises (prime de noir, prime de panier, prime de douche, prime de nuit, prime d'étringlage), le salaire peut aller jusqu'à 1200 euros. Les ouvrières sont encore plus mal payées. Tout en travaillant en équipe, le salaire d'une ouvrière ne dépasse guère les 1000 euros. Une ouvrière en 2x8 peut gagner 980 euros.

Juste avant la grève, dans un "souci d'apaisement", la direction avait proposé 1,2% en mars et 0,7% en septembre. Une pirouette, rien de plus.

La grève démarre

Les réunions d'information appelées le mardi 9 mars par la CGT, la CFTC et FO ont rassemblé 150 ouvriers le matin et 160 l'après-midi. La grève a été votée et a démarré dès le mardi après-midi à l'appel de la CGT, la CFDT, la CFTC et FO avec la revendication de 100 euros par mois d'augmentation. La colère a été attisée par la direction qui nous accusait de mettre l'entreprise en péril, disant que l'usine pourrait fermer pour aller s'installer ailleurs et que nous n'étions pas à plaindre. Or, nous savons tout de même qu'Hutchinson a versé 66 millions d'euros à ses actionnaires en 2002 et qu'elle fait partie du groupe Total, qui arrive en tête des grosses sociétés en 2003 avec 7 milliards d'euros de bénéfices, soit le salaire annuel de 500000 travailleurs payés au Smic, charges comprises. Nous avons demandé à la direction comment on pouvait faire, selon elle, pour vivre avec 980 euros par mois.

Les piquets

Nous étions 300 en grève et nous nous sommes relayés jour et nuit aux entrées de l'usine qui étaient occupées en permanence. Les camions ne pouvaient ni entrer ni sortir et, très vite, cela a gêné la direction. Jusqu'au vendredi soir, nous demandions 100 euros et le paiement des jours de grève, malgré les chantages à la fermeture, les manoeuvres d'intimidation de la direction qui avait mobilisé ses cadres et malgré les convocations au tribunal de six militants syndicaux.

Vendredi soir, la direction proposait 2,1% avec un minimum de 35 euros, mais refus complet sur le paiement des heures de grève. Le syndicat CFTC et un délégué CFDT ont signé mais les grévistes ont voté la continuation de la grève en exigeant 75 euros minimum et le paiement des jours de grève. Nous nous apprêtions à passer le week-end devant l'usine.

Puis samedi soir, vers 22 heures, les CRS sont venus faire évacuer les piquets. Un jugement du tribunal de Montargis avait tranché le samedi midi en faveur de la direction qui voulait nous faire évacuer. Mais lundi matin, nous étions encore près de 200 en grève et très déterminés. Les 75 euros nous semblaient hors de portée pour cette fois mais on tenait au paiement des jours de grève.

Reprise la tête haute

Lundi soir, 15 mars, la direction a dû faire des concessions sur le paiement des jours de grève: dix heures seront payées, deux jours seront pris sur les RTT 2 (les RTT à la discrétion du patron) et le reste récupéré au plus tard le 31 décembre 2004 ou pris sur nos congés payés ou l'ancienneté. Il n'y aura pas de retenues importantes sur les salaires. Avec cela, plus l'augmentation de 35 euros, l'annonce de la revalorisation de toutes les primes, et de 100 euros sur le salaire d'avril, le vote restait majoritaire pour continuer la grève mais il ne semblait pas possible de continuer, car trop peu nombreux.

Nous n'avons donc pas obtenu satisfaction sur tout, mais c'est avec le sentiment d'être plus unis et plus forts que nous sommes rentrés mardi matin dans les ateliers, contents d'avoir résisté aux menaces et aux chantages et convaincus que, tôt ou tard, il nous faudra remettre cette question des salaires sur le tapis.

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