Obliger les promoteurs à construire pour loger ceux qui en ont besoin!11/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1858.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Obliger les promoteurs à construire pour loger ceux qui en ont besoin!

Les promoteurs-constructeurs de logements neufs affichent leur satisfaction: pour l'année 2003, ils comptent près de 400000 nouvelles autorisations de construire (+9%), près de 320000 logements mis en chantier (+4%), plus de 100000 ventes réalisées par quelques centaines d'entre eux, qui se partagent des profits consistants. Les prix flambent, ceux des appartements ou maisons à acquérir comme ceux des loyers (+25% en 2003 dans le secteur privé), faisant la fortune des requins de l'immobilier et des particuliers fortunés qui peuvent acquérir plusieurs logements pour les louer au prix fort, tout en bénéficiant d'avantages fiscaux exorbitants.

La vraie crise du logement, c'est en fait ce scandale permanent qui permet de construire d'un côté des logements réservés à ceux qui peuvent payer, tandis que de l'autre plus de trois millions de personnes sont mal logées, dont plus de 700000 en habitat précaire et 86000 sans domicile fixe, chiffres officiels émanant du Conseil économique et social.

Dans cette situation, le gouvernement actuel, comme tous ceux qui l'ont précédé, a une énorme responsabilité. Sous prétexte de faire contribuer les capitaux privés à la construction sociale, de Robien, le ministre du Logement, a renforcé les dispositions légales et fiscales favorables aux propriétaires-bailleurs. Par ailleurs, ce même gouvernement ne met pas en oeuvre une politique de construction publique de logements nombreux, corrects et bon marché. "L'année 2003 restera la plus mauvaise année pour la construction de logements sociaux depuis 1953", dénonçait la Fondation Abbé-Pierre peu avant la présentation du budget 2004 du Logement, amputé par Jean-Pierre Raffarin de 8,8% par rapport à celui de 2003. En particulier, les fonds consacrés au parc locatif social baissent de 474 à 458 millions d'euros et les "aides à la pierre", destinées à l'extension et à la réhabilitation du parc social public, diminuent de 8%.

Ces faits n'empêchent ni le Premier ministre ni le ministre du Logement de mentir. Pour 2003, de Robien déclare que le nombre de constructions sociales nouvelles s'est élevé à 56000... sans préciser toutefois que cela comprend des logements prévus, mais loin d'être livrés; ni que ces 56000 logements comprennent aussi 12000 logements déjà existants et rachetés par des offices HLM, ainsi que 16000 logements pas vraiment classés comme "sociaux", puisque destinés à des locataires dits "intermédiaires". Les prétendus 56000 nouveaux logements sociaux du ministère se réduisent alors à 28000, soit en effet l'un des plus bas niveaux de construction depuis les années cinquante.

Ce niveau est encore aggravé si l'on prend en compte les 8000 démolitions d'immeubles prévues dans l'année. Ces démolitions sont, elles, en nette progression dans les projets du ministre: de 8000 environ par an, elles devraient passer à 40000, ce qui aggravera la situation du logement pour la population la plus démunie. Car ces démolitions ne seront pas compensées au même rythme par de nouvelles constructions et le relogement des anciens locataires n'est pas du tout assuré.

Permettre à tous ceux qui en ont besoin d'être logés correctement, même s'ils n'ont pas les moyens financiers exigés, serait pourtant possible. Ainsi, pourquoi ne pourrait-on pas imposer de faire figurer dans le cahier des charges des promoteurs, auxquels les municipalités délivrent les permis de construire et accordent des terrains, un pourcentage obligatoire de construction de logements sociaux? Aujourd'hui, il existe bien une loi qui fixe, sous peine d'amende, un seuil théoriquement obligatoire de 20% de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 1500 habitants avec, pour les mairies, la possibilité d'obliger les constructeurs-promoteurs immobiliers privés à réserver un certain nombre de logements sociaux dans leurs nouveaux immeubles. Mais en fait, ce texte de loi n'est guère respecté et bien des municipalités riches préfèrent envisager de payer les pénalités financières plutôt que de faire la moindre pression sur les promoteurs pour qu'ils logent des familles populaires.

La réservation d'un pourcentage minimum de logements sociaux, dans toutes les constructions neuves et sous peine de réquisition, serait un pas important vers la résorption de la crise. Mais il faudra pour cela que la population elle-même impose la reconnaissance de son droit au logement. Et il faudra imposer que le logement soit enfin conçu comme un véritable service public, doté des fonds publics nécessaires à la satisfaction des besoins de l'ensemble de la collectivité.

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