À la petite semaine11/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1858.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

À la petite semaine

Pas de "marchandages à la petite semaine" a répondu Raffarin aux chercheurs. Fort bien. Les chercheurs n'ont pas barguigné et ont tenu leur promesse: 2000 démissions de patrons de labos, mandatés par plus de 70000 chercheurs pétitionnaires. Une manière de grève administrative, pour commencer, touchant l'ensemble de la recherche publique. Un mouvement massif, qui s'est étendu et approfondi depuis deux mois, et continue de faire tache d'huile. Et massivement approuvé par la population (plus de 80% selon les sondages).

C'est que les intellectuels du pays en sont réduits aux mêmes maux que les prolétaires: CDD, précarité, chômage, p'tits boulots pour les jeunes chercheurs, suppressions de postes, démantèlement de la recherche publique, coupes claires dans les crédits. De la poste à l'Education, de la Recherche aux hôpitaux ou aux transports, du public au privé, mêmes maux, même combat. En tout cas, n'en déplaise à Raffarin, c'est le sentiment de la "France d'en bas".

Le même Raffarin a eu le front de répondre aux chercheurs qu'il allouait 3 milliards sur trois ans à la recherche, tout en leur refusant les 550 postes titulaires (ne représentant que 20 millions d'euros) qu'ils demandaient! Ce qui a eu le don de décupler leur colère. Dans les 3 milliards en question (une vieille promesse de Chirac dont les chercheurs n'ont jamais vu la couleur), sont inclues les aides à la recherche privée. Et à la recherche, vraiment? Précision de Raffarin (interview à Libération du 9 mars): "En effet, nous avons multiplié par sept, en 2004, le nombre d'entreprises qui pourront bénéficier du crédit d'impôt recherche. C'est un effort, puisque ce sont des rentrées fiscales en moins". Voilà où vont passer une bonne part desdits 3 milliards: à multiplier par sept le nombre d'entreprises privées bénéficiant de crédits d'impôts, donc de subventions, au titre de la "recherche", ce que personne n'ira vérifier...

En ces temps de mesures anti-ouvrières, de multiplication des plans de licenciements, où les travailleurs hésitent longuement à entrer en lutte sachant que tout échec se paie cher, on constate au moins une chose. L'opinion populaire n'est pas dupe du cynisme gouvernemental et ne se laisse pas manipuler. Raffarin aurait bien voulu monter ce qu'il appelle désormais "l'intelligence de la main" contre les intellectuels en train de se rebiffer. L'an dernier c'était contre les enseignants, en vain, lesquels avaient gagné la sympathie de tous les travailleurs (auxquels d'ailleurs ils s'étaient adressés -espérons que les chercheurs sauront faire de même si leur mouvement s'approfondit). Même chose pour les intermittents du spectacle. Même chose pour les journalistes de France Inter... Et même chose aujourd'hui pour les chercheurs. Oh, tous les directeurs de recherche, même mobilisés, n'ont pas forcément une conscience politique à la hauteur de leurs compétences scientifiques et certains peuvent oublier, y compris pour leur propre secteur, les revendications des techniciens, secrétaires, laborantins et personnels d'entretien qui souffrent encore plus des bas salaires et de la précarité que les chercheurs eux-mêmes. Mais ce qui est manifeste, c'est qu'instinctivement l'ensemble de l'opinion travailleuse, elle, se sent solidaire, et reconnaît dans leur mouvement son intérêt commun. Et c'est bien l'un des aspects les plus positifs de la situation.

En attendant, la "petite semaine" de Raffarin a commencé chaudement. Mardi les chercheurs, jeudi les hospitaliers, vendredi les enseignants (avec les chercheurs en tête de manif)... et la semaine prochaine les chercheurs encore.

Raffarin, en politicien à la petite semaine, a vu dans le mouvement des intellectuels une "manoeuvre politique" et s'en est pris à ceux qui cherchent à "fédérer les mécontentements". Une raffarinade de plus, mais qui pour une fois mériterait d'être entendue: que les mobilisations contre la précarité, les bas salaires, les coupes claires dans les services publics, les suppressions de postes et d'emplois se fédèrent. Après le début de contagion de 2003, une franche épidémie sociale pour 2004?

Huguette CHEVIREAU

Convergences Révolutionnaires nE 32 (mars 2004), bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Après Jospin, Raffarin, de mal en pis
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