Chercheurs en colère : Contre la pénurie11/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1858.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chercheurs en colère : Contre la pénurie

Pour protester contre le manque de crédits affectés à la recherche publique, environ 4000 chercheurs -2000 directeurs d'unités et un nombre égal de "chefs d'équipe"- ont démissionné de leurs responsabilités administratives le 9 mars, ainsi qu'ils l'avaient annoncé.

Cela fait plusieurs mois que les chercheurs sont mobilisés: après avoir manifesté trois fois, lancé la pétition "Sauvons la recherche" qui a déjà recueilli 65000 signatures sur les 105000 chercheurs et assimilés que compte le pays, les directeurs de laboratoires ont donc mis leur menace à exécution et ils démissionnent de leurs fonctions administratives, ce qui peut bloquer le fonctionnement des laboratoires de recherche. Mais force est de constater que la politique des gouvernements successifs, et plus encore celle de Raffarin, ont abouti à un blocage permanent.

Les annonces faites par Raffarin et Haigneré, la ministre déléguée à la Recherche, pour tenter de désamorcer la colère des chercheurs, n'ont trompé personne. Le Premier ministre promet de donner trois milliards pour la recherche d'ici 2007... mais il continue à refuser de verser les 20 millions d'euros nécessaires pour transformer 550 emplois de CDD en postes fixes, affirmant qu'il n'entendait pas entrer dans "un marchandage à la petite semaine"! Les chercheurs en ont donc conclu, à juste titre, que cela démontrait scientifiquement que le gouvernement se moquait d'eux.

D'autant que la promesse de porter les crédits de la recherche à 3% du PIB leur avait déjà été faite par Chirac en 2000 et, alors que cela aurait dû se traduire par une augmentation de 10% par an des crédits des laboratoires, ceux-ci ont au contraire baissé de 10% en 2003. Et sur ces trois milliards promis, à supposer qu'ils soient versés, combien iront à la recherche publique, et combien à la recherche privée? Raffarin se vante, dans une interview donnée au journal Libération, d'avoir "multiplié par sept, en 2004, le nombre d'entreprises qui pourront bénéficier du crédit d'impôt recherche", aide qui se monte, en deux ans, à quelque 600 millions d'euros. Les organismes publics de recherche (CNRS, INSERM, CEA, INRA, etc.) eux, n'ont pas eu cette chance.

La première revendication des chercheurs est une augmentation des crédits alloués à la recherche, à commencer par le déblocage des sommes inscrites au budget des années précédentes et jamais versées, malgré les promesses: certains laboratoires attendent encore les crédits qu'ils auraient dû recevoir en 2002.

Une augmentation du budget de la recherche permettrait de nouvelles embauches en fixe. Et puis, les chercheurs exigent qu'il soit mis fin à la précarité de l'emploi, au statut "d'intermittents de la recherche" que subissent nombre d'entre eux. Dans les laboratoires, aujourd'hui, 30% des chercheurs sont embauchés en situation précaire: certains, en contrats à durée déterminée (CDD), alternent les périodes de travail, parfois d'un mois ou deux, avec le chômage ou le RMI; d'autres sont "boursiers" ou "chercheurs associés", souvent payés à peine plus que le SMIC; d'autres encore sont payés grâce aux "libéralités" versées par des associations mais, n'étant pas salariés, ils ne bénéficient d'aucune protection sociale; il y a aussi les stagiaires rémunérés au noir sous le nom d'un chercheur titulaire, des "collaborateurs bénévoles", etc.

Bref, la recherche n'échappe pas à la situation qui est celle de l'ensemble des autres secteurs du service public, de l'enseignement aux transports, des hôpitaux à La Poste: restrictions budgétaires, pénurie de personnel et précarité de l'emploi qui se généralisent.

Partager