Conserves D'Aucy : Les travailleurs ne veulent pas être mangés tout crus05/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1857.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Conserves D'Aucy : Les travailleurs ne veulent pas être mangés tout crus

Les salariés du géant de la conserve D'Aucy, au Plessis-Belleville dans l'Oise, ont fait grève à nouveau lundi 1er mars pour contester le plan de fermeture de leur usine. Ils ont reçu l'appui de délégations d'autres usines du groupe venues les soutenir, depuis la Bourgogne pour Val-D'Aucy, d'Orléans, du Nord, celles venant des usines de Bretagne étant bloquées par les intempéries.

Le groupe qui possède la marque D'Aucy, Cecab, est un des grands de l'agro-alimentaire, 23e de l'ensemble des industries agro-alimentaires, devant Bonduelle, dans le trio de tête en ce qui concerne les légumes. Le groupe possède une myriade d'usines dans toute la France, regroupe plus de 6000 salariés et fait de très confortables bénéfices. Il n'empêche qu'il a décidé brutalement, sans même respecter le minimum des règles légales, la fermeture de son usine du Plessis-Belleville. Cela laisserait 135 salariés permanents sur le carreau, 200 saisonniers qui y travaillent près de huit mois par an et 77 agriculteurs. Ces derniers n'ont pas été mieux traités que les salariés, puisque sans préavis ils ont constaté que le 31 décembre le groupe leur coupait leur contrat pour 2004.

Une fermeture vite fait-bien fait

Le prétexte invoqué est surréaliste: devant les besoins de production en augmentation, il faudrait investir trop d'argent pour permettre à l'usine de produire plus aux normes actuelles. En conséquence... les patrons avaient prévu la fermeture de l'usine pour début mars 2004. Et cela bien que celle-ci ait vu ses résultats nets augmenter de 50% en un an. Les actionnaires comptaient régler cette affaire en un tour de main. Ils défendaient la fiction que l'usine était une petite société indépendante, et ils comptaient s'appuyer sur le délégué syndical du seul syndicat, la CFDT.

Mais le début d'examen des comptes faisait apparaître que le licenciement du personnel ne reposait que sur la volonté des actionnaires, pour une bonne part des gros cultivateurs bretons. Tout cela afin de multiplier les bénéfices en faisant faire le travail de deux usines en une seule. Même la directrice départementale du Travail de l'agriculture déclarait que l'usine faisait bien partie du groupe Cecab.

Les salariés mettent en échec le scénario de leurs patrons

C'est alors que le délégué syndical et trésorier du Comité d'entreprise, qui avait jusque-là tous les pouvoirs syndicaux, circonvenu par la direction, s'est empressé de faire passer sans examen les différentes étapes de la procédure au pas de course. Quand un vent de fronde s'est levé chez les salariés, il a signé sur ordre de la direction un accord accélérant la fermeture. C'est alors qu'il y eut un arrêt de travail spontané des ouvrières, contre l'accord et les délégués qui le soutenaient. A l'initiative des travailleurs de l'entretien, la grève se généralisa et s'installa, exigeant l'annulation de l'accord, l'implication du groupe D'Aucy-Cecab, aucun salarié à l'ANPE, 55000 euros d'indemnités et des garanties diverses. Une pétition signée par 90 salariés exigeait la démission du délégué syndical. Par ailleurs, ils appelaient les travailleurs à contrôler directement leurs affaires et leur lutte. Les travailleurs élirent un comité de lutte de 11 membres.

Cette révolte des salariés a entraîné le limogeage par la CFDT du délégué syndical, que le personnel a finalement contraint à quitter l'usine pour au moins quelques semaines. L'accord contesté a été annulé par les instances CFDT. Des réunions d'information régulières sont tenues avec l'ensemble du personnel, tous les projets en cours de la direction ont été rendus publics, en partie par les ouvriers eux-mêmes qui avaient pu se les procurer. Du coup le CE, avec l'aide du cabinet d'expertise Syndex, a assigné la direction au tribunal pour demander l'annulation de toute la procédure. Le jugement doit avoir lieu le 9 mars au tribunal de grande instance de Senlis.

Pour la défense des droits à la vie des salariés

Certes, rien n'est encore gagné pour les salariés de D'Aucy, mais ils ont pu déjouer les pièges qui leur étaient tendus, et ils ont pu briser l'isolement sur lequel comptaient ces grands patrons, qui bénéficiaient de la bienveillance des pouvoirs publics. Les préfets de l'Oise et de la région ont en effet gardé un silence assourdissant jusqu'à ce jour sur toute cette affaire. Dans toutes les usines du groupe, le refus des licenciements va être posé par les délégués de tous les syndicats.

Au moment où D'Aucy dépense des millions pour afficher sur tous les murs du pays la fraîcheur de ses légumes, les travailleurs se sentent plus que jamais en droit de rappeler que s'il y a des légumes en boîte en moins de 4 heures, c'est eux qui les y mettent et qu'ils n'entendent pas "être virés comme des chiens", comme ils l'ont dénoncé, par leurs patrons.

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