Portugal : Pour la libéralisation de l'avortement05/02/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/02/une1853.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Portugal : Pour la libéralisation de l'avortement

Un nouveau procès pour avortement secoue le Portugal, dans la ville d'Aveiro, au sud de Porto. Le verdict doit tomber le 17 février. Dix-sept personnes, dont un médecin, sont accusées d'avoir pratiqué, aidé ou subi un avortement non autorisé et risquent jusqu'à huit ans de prison.

Les féministes et les partisans de l'abolition d'une loi barbare, d'un autre âge, se mobilisent et réclament la dépénalisation de l'avortement et cette modification de la loi.

La loi portugaise de 1984 n'autorise, en effet, l'avortement qu'en cas de viol, de risque grave pour la santé de la mère ou de malformation du foetus: soit 2% des avortements. Les femmes qui en ont les moyens vont en Espagne. Les dizaines de milliers d'autres doivent avorter clandestinement, souvent dans des conditions dangereuses. 11000 d'entre elles sont hospitalisées chaque année pour complications graves. Cinq en sont mortes en 2003.

Un procès semblable s'était déroulé dans la bourgade de Maia, près de Porto, fin 2001. La principale accusée, une sage-femme, avait été condamnée à huit ans de prison. Elle a été graciée en décembre dernier par le président de la République et doit sortir de prison ce mois-ci, après deux ans derrière les barreaux.

Le procès d'Aveiro a remis sur le devant de la scène cette question de la libéralisation de l'IVG. En 1998 une loi plus libérale avait été adoptée par le Parlement. Mais le Premier ministre socialiste de l'époque, Guterres, catholique dévot, s'était entendu avec la droite pour remettre la décision à un référendum, pour que la loi "soit un vrai choix de société responsable", disait-il. Résultat, le "non" l'avait emporté par 50,9%, avec une participation de 32% des électeurs seulement.

Le Parti Socialiste au pouvoir et le Parti Social-Démocrate (droite) n'avaient pris aucune position, laissant le champ libre à l'Eglise catholique et à l'opinion publique réactionnaire. Le Parti Communiste et l'extrême gauche s'étaient mobilisés en faveur de la libéralisation, mais face à l'Eglise et à la droite la plus conservatrice représentée par le Parti Populaire, ils n'avaient pas fait le poids.

A nouveau la question se pose: loi, ou référendum? Les grands partis, PS et PSD, sont divisés, c'est-à-dire aussi lâches et velléitaires qu'il y a six ans. Le PSD est actuellement au pouvoir, en alliance avec le Parti Populaire, qui voudrait introduire dans la Constitution un prétendu "droit à la vie". Le PS, minoritaire et dans l'opposition, a gauchi son langage et annonce un projet de loi. Mais il reste respectueux de la hiérarchie catholique. Quand le président Sampaio a gracié la sage-femme de Maia, les catholiques de la Jeunesse Socialiste ont officiellement protesté. Au Parlement, la bataille pour une nouvelle loi (et quelle loi exactement?) n'est donc pas gagnée.

Une pétition en faveur d'un référendum d'initiative populaire sur la question a été lancée en octobre 2003 par le Bloc de Gauche, qui regroupe en fait l'extrême gauche. 75000 signatures légalement authentifiées sont nécessaires pour que le Parlement soit obligé de délibérer. Le scandaleux procès d'Aveiro a indigné beaucoup de gens, 30000 signatures ont été rassemblées rapidement. Mais ce n'est qu'un début. Car si la pétition recueille les 75000 signatures, ce sont en fin de compte les députés qui prendront la décision.

Plus de 70% des Portugais seraient favorables à la dépénalisation de l'avortement. Aux yeux des politiciens, ils pèsent peu face aux calotins et réactionnaires de toute sorte, nostalgiques de Salazar ou émules de Le Pen. Il y a pourtant urgence à mettre fin à cette arriération choquante qui interdit aux femmes de dire et de décider elles-mêmes si elles veulent ou non un enfant.

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