Hôpital Pitié-Salpétrière - Paris 13e : Quand les économies renforcent la virulence des bactéries29/01/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/01/une1852.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpital Pitié-Salpétrière - Paris 13e : Quand les économies renforcent la virulence des bactéries

La presse parle en ce moment des infections nosocomiales, ces infections que l'on peut contracter lors d'un séjour à l'hôpital. Des "comités de lutte contre les infections nosocomiales" (CLIN) sont obligatoires, depuis 1988, dans les établissements publics et, depuis 1999, dans les cliniques. Les responsables de ces comités ont mis en place des protocoles d'hygiène pour lutter au mieux contre les bactéries à l'origine de ces infections. Mais pour les appliquer, il faut des moyens humains et matériels. La politique de restrictions budgétaires que les personnels soignants subissent depuis des années empêche de mettre en application ces procédures.

Des exemples qui illustrent le manque de moyens

-Pour assurer le maximum d' hygiène, il faudrait se laver les mains pendant une minute entre chaque soin et chaque malade, et pendant trois minutes avant de procéder à un soin stérile. Pour réduire ce temps, la direction fournit une solution hydroalcoolique permettant de s'acquitter de l'affaire en trente secondes chrono.

-Avant de faire une prise de sang, il faudrait nettoyer l'avant-bras du patient au savon doux, le sécher, effectuer une désinfection à la Bétadine et attendre trois minutes avant de piquer. Ce qui prend dix minutes par patient. Pour dix patients, il faudrait 1 heure 40, alors que l'on dispose le matin de... trente minutes.

-Au scanner, aux Urgences, pour les patients qui ont besoin d'une perfusion, il nous est demandé de la poser selon un protocole précis: lavage de la peau avec de la Bétadine rouge, rinçage, séchage, désinfection à la Bétadine jaune, puis mise en place d'un cathéter veineux avec gants stériles. Mais quand il y a trois ou quatre patients en attente avec, en plus, des examens en urgence, c'est mission impossible pour un seul manipulateur en salle de préparation.

-En radiologie vasculaire et interventionnelle, la surcharge de travail incite les médecins à dépiquer les patients de leur cathéter artériel dans les couloirs afin de gagner du temps et ainsi libérer la salle d'examen pour le patient suivant. Et, dans ce secteur, les toilettes des patients se trouvent à côté d'un local où sont entreposés poubelles, tenues sales du personnel et bassins et urinaux en cours de désinfection...

-Normalement, dans chaque bâtiment, il doit y avoir des circuits différents pour le propre et le sale. Dans les vieux bâtiments ce n'est pas le cas: le même ascenseur voit passer repas des malades, sacs poubelles et linge sale.

-Pour désinfecter les bassins et urinaux, surtout après le départ d'un patient, il faut les mettre dans un lave-bassin ou un bac à désinfecter. Mais beaucoup de services n'ont ni l'un ni l'autre. Alors on fait comme on peut.

-La vétusté des locaux et la réduction de l'entretien sont défavorables à la lutte contre les infections nosocomiales. Une partie de l'entretien est sous-traitée à des sociétés de nettoyage dont les salariés ont de plus en plus de pièces à nettoyer dans un minimum de temps et avec un matériel restreint, parfois même sans le matériel minimum.

-Le matériel pour les soins manque dans les services: une fois des essuie-mains en papier, une autre fois les gants de toilette, des serviettes, des draps, des taies d'oreiller, des tabliers en plastique.

-Dans le bâtiment des Urgences, la panne d'un ascenseur sur trois provoque une attente et une exposition supplémentaire aux germes, pour les patients fragiles retournant dans leur chambre, brancardés après un examen.

-Après le départ d'un patient, on nettoie le lit et le matelas avec un produit que l'on devrait laisser agir dix minutes ou au moins laisser sécher. Mais bien souvent des patients attendent que la place se libère, alors on remet vite les draps dessus pour accueillir le suivant. Pénurie de places oblige.

-Quant à la formation du personnel, elle est difficile à obtenir car les plannings sont trop justes.

Si les moyens étaient mis en place, on pourrait faire reculer les infections nosocomiales. Dans le service de réa-pneumo, après de gros travaux, des formations proposées à tout le personnel, du matériel adapté octroyé en quantité, les infections nosocomiales ont considérablement diminué.

La politique d'économies va à l'encontre d'une qualité des soins maximale. Nous subissons tous les jours ces économies dans le domaine de l'hygiène comme dans les autres aspects de nos conditions de travail.

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