Les syndicats se mettent en retraite anticipée15/01/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/01/une1850.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Les syndicats se mettent en retraite anticipée

Le 6 janvier, Chirac faisait dans la salle des fêtes de l'Elysée ses voeux aux «forces vives de la nation», les patrons, les syndicats et les associations.

Des cadeaux de Noël, il n'en avait bien sûr pas pour tout le monde. Au patronat, la bonne surprise de la réforme de la taxe professionnelle. Aux travailleurs, une belle promesse: une «loi pour l'emploi», c'est-à-dire... des subventions aux licencieurs, des allocations amputées voire supprimées pour les licenciés.

Des paroles...

Le baron Seillière était tout heureux. Mais autour du buffet, il y avait aussi les syndicats, incarnés par leurs chefs, invités eux aussi à la fête. Allaient-il s'indigner, claquer la porte? Selon le correspondant du Monde (le 08-01), ils auraient plutôt affiché, ces insolents, un «scepticisme poli».

Blondel s'est dit inquiet, mais félicité que «l'emploi redevienne une affaire d'État». Jean-Luc Cazettes (CFE-CGC) a vu dans le discours présidentiel «un catalogue de bonnes intentions», une sorte «d'effet Noël». Jacky Dintinger (CFTC) s'est déclaré «dubitatif sur les moyens» (pas sur les buts?). Thibault (CGT) pouvait se contenter de regretter «l'écart entre ces déclarations et la politique réelle du gouvernement» pour apparaître le plus radical de tous, surtout à côté de Chérèque (CFDT): «la feuille de route du président est ambitieuse et généreuse, mais avec l'annonce d'une nouvelle baisse des impôts, on se demande comment il va financer ses belles ambitions»!

...aux actes

Après tout ce sont là des paroles de table, adoucies par le champagne et les petits fours. Certes, nos chefs syndicaux ont, ailleurs, donné un peu plus de la voix. Comment pourraient-ils faire autrement, face à ce gouvernement qui après avoir amputé les retraites, se sent des ailes, rationne les services publics, augmente ses fonctionnaires de... 0,5%, supprime un jour férié? Ils ne pouvaient faire moins, sauf à perdre la face et susciter le mécontentement dans leurs propres rangs, qu'annoncer des journées de mobilisation.

Le 22 janvier, à l'appel des trois syndicats de médecins hospitaliers et de la CGT, la CFTC, SUD, FO, tous les personnels sont appelés à la grève, contre le plan «Hôpital 2007» de Mattei. A la SNCF, la CGT, FO, SUD-Rail et la FGAAC appellent eux aussi à l'action, mais le 21. Pour toute la fonction publique, l'ensemble des syndicats de fonctionnaires, 5 millions de salariés concernés, préparent également une semaine d'action... du 26 au 30 janvier.

Voilà un calendrier d'action qui ressemble à celui des années précédentes. Mobilisons-nous, oui, tous autant que nous sommes. Mais séparément. Surtout pas le même jour. Les objectifs et les moyens proposés aux salariés ne promettent donc pas un hiver torride au gouvernement. La semaine d'action dans la fonction publique, après donc celles des hôpitaux et des cheminots, doit être, selon un communiqué commun du 9 janvier, «unitaire et diversifiée (...), rassemblements, délégations, utilisation de la carte-pétition... pour exiger l'ouverture de véritables négociations salariales». Pas de chiffrage, et rien sur les suppressions massives de postes.

Et encore... il peut y avoir loin des déclarations au véritable travail de préparation, et les syndicats ne semblent nulle part aujourd'hui pressés de faire campagne dans les entreprises et les services publics pour mobiliser. Ah si! Une exception: la CFDT vient de lancer une vaste campagne d'information... pour se vanter de ses signatures passées et des résultats obtenus en 2003, notamment sur les retraites! Publicité dans les journaux, 50000 affiches, et 2 millions de tracts en direction des lieux de travail... tout ce qu'on aimerait voir dans les entreprises pour préparer la riposte nécessaire.

En réalité, toutes les directions confédérales sont engluées dans le «dialogue social» avec le Medef et le gouvernement. Après avoir signé un mauvais accord sur la formation professionnelle, après avoir longuement discuté avec Fillon de sa nouvelle loi sur les accords d'entreprise, elles participent toutes à des commissions patrons-syndicats sur la simplification du code du travail, sur les restructurations et les licenciements, et se préparent à un nouveau cycle de négociations, avec Fillon, sur... le financement des syndicats!

Heureusement, les syndicats ne se résument pas à leurs dirigeants. Nombre de militants ont déjà exprimé leur mécontentement, notamment à la CGT et à la CFDT. Et si les travailleurs étaient nombreux à participer à ces journées d'action dispersées qui nous sont proposées, cela pourrait malgré tout bousculer tous les petits calculs des bureaucraties syndicales.

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