La main sur le coeur, c'est pareil que sur le portefeuille !18/12/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/12/une1846.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La main sur le coeur, c'est pareil que sur le portefeuille !

Editorial des bulletins d'entreprise du 15 décembre 2003

Les autorités américaines ont présenté l'arrestation de Saddam Hussein comme un grand succès, même si Bush a précisé qu'elle ne marquait pas "la fin de la violence en Irak". De fait, l'encre des communiqués de victoire n'était pas encore sèche que de nouveaux attentats secouaient Bagdad.

La découverte du "trou à rat", dépourvu de tout moyen de communication, dans lequel était caché Saddam Hussein, réduit à néant la légende de l'ancien dictateur orchestrant du fond de son réduit les actions dirigées contre les troupes US. Les attentats à la voiture piégée, les embuscades dans lesquelles tombent régulièrement des soldats américains ne sont pas seulement le fait des nostalgiques du régime déchu ou de groupes islamistes isolés. Les sentiments de toute une partie de la population qui voit que l'Irak est occupé par une armée étrangère qui a la gâchette facile, y compris contre des enfants, des femmes et des hommes désarmés, ne peuvent que renforcer ceux qui s'opposent aux troupes des États-Unis. Et si la capture de Saddam Hussein est pour Bush une bonne chose, du point de vue électoral, d'ici les élections américaines de 2004, la situation risque fort de continuer à se dégrader pour l'armée US.

Il n'est pas sûr non plus que Bush puisse mettre sur pied le procès à grand spectacle de Saddam Hussein dont on parle aujourd'hui. Car comment organiser celui-ci sans que remontent à la surface les complicités qui ont uni, pendant des dizaines d'années, le dictateur irakien et les dirigeants des grandes puissances, non seulement les États-Unis, mais aussi, entre autres, la France?

Président autoproclamé de l'Irak depuis 1979, après avoir liquidé bon nombre des cadres de son propre parti, Saddam Hussein était alors bien considéré par les capitales occidentales. Il fut reçu à Matignon et Chirac, alors Premier ministre, l'assura de son "amitié personnelle". Entre les dirigeants français et le dictateur irakien, ce n'était d'ailleurs pas que des liens platoniques. La France a vendu de la technologie et de l'uranium à l'Irak pour lui permettre de construire le réacteur nucléaire de Tammouz, détruit par l'aviation d'Israël, qui ne voulait pas que l'Irak puisse se doter d'armes nucléaires.

Et quand Saddam Hussein lança son armée contre l'Iran, pour une guerre qui allait durer huit ans et faire des centaines de milliers de morts, il bénéficia de l'appui des États-Unis comme de la France. En 1982, par exemple, la France fournit 15 milliards de francs d'armement à l'Irak. En 1990, un nouvel accord financier entre la France et l'Irak était sur le point d'être signé... quand l'armée irakienne envahit le Koweit.

C'est à partir de là que tout changea dans les relations entre les grandes puissances et Saddam Hussein. Les États-Unis, et derrière eux les impérialistes de seconde zone, dont la France, voulurent démontrer qu'ils n'acceptaient pas que leur chien de garde morde pour son propre compte. La guerre du golfe de 1991 obligea l'Irak à évacuer le Koweit. Mais quand les Kurdes au nord, les Chiites au sud, se soulevèrent contre le régime, les dirigeants occidentaux conclurent immédiatement un cessez-le-feu avec le dictateur irakien, en se lavant les mains de ce qu'il adviendrait aux insurgés. Mieux valait cela aux yeux des occidentaux qu'une révolte populaire incontrôlée.

Douze ans plus tard, les appétits pétroliers des trusts américains aidant, après avoir écrasé sous les bombardements les villes irakiennes, Bush junior a entrepris de régler définitivement le sort de Saddam Hussein, en prétendant qu'il agissait ainsi pour rechercher des armes de destruction massive que l'Irak n'avait pas ou plus. Mais l'hypocrisie des discours de Bush est du même acabit que celle des dirigeants français réclamant, la main sur le coeur, de pouvoir participer à la "reconstruction" de l'Irak, c'est-à-dire de permettre aux grandes entreprises françaises de tirer leur part de bénéfices de la guerre.

Mais il est vrai que la main sur le coeur... ou sur le portefeuille, le geste est le même.

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