Irak : La capture de Saddam Hussein ne changera rien aux conséquences de l'occupation... ou de sa fin18/12/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/12/une1846.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : La capture de Saddam Hussein ne changera rien aux conséquences de l'occupation... ou de sa fin

Malgré le déballage médiatique accompagnant la capture de Saddam Hussein, personne ne s'attend à ce que celle-ci mette un terme à la guerre larvée qui s'est installée en Irak. Rendu prudent par l'expérience, Bush a d'ailleurs lui-même tenu à souligner dans son discours de victoire qu'il ne fallait pas s'attendre à "une fin immédiate des violences".

Cela n'a pas empêché les généraux américains de parler de "combats d'arrière-garde des partisans de la dictature" à propos de la série d'attentats, d'embuscades et d'affrontements armés qui se sont produits dans les 48heures qui ont suivi l'arrestation de Saddam, de Mossoul dans le nord du pays à Nassirya au sud. Or depuis des mois ces généraux n'ont pas tenu d'autre langage, tandis que la résistance armée montait en puissance et se montrait de plus en plus efficace, tant contre les soldats américains, que contre la population irakienne. Et les généraux ont beau nier mener une véritable guerre, le fait est que, depuis quelque temps, les communiqués officiels de l'état-major américain dénombrent chaque jour le nombre de tués dans le "camp ennemi" en même temps que le nombre de GIs morts ou blessés au combat. Voilà une guerre qui a tout à fait l'aspect de ces guerres coloniales que les grandes puissances ont menées de l'Algérie au Vietnam et qu'elles préféraient baptiser "opérations de rétablissement de l'ordre".

En fait, la réalité irakienne est bien plus proche de celle que décrivait, par exemple, un sergent de l'armée américaine, en confiant récemment à un journaliste occidental: "On nous a envoyés libérer un peuple du joug d'un dictateur sanguinaire dont on nous a dit qu'il était une menace pour la paix. En fait de menace, nous n'avons trouvé qu'un régime décrépi et impuissant et une population qui a retourné sa colère et ses armes contre nous. Aujourd'hui nous ne savons plus pour qui ni pourquoi nous risquons notre peau". C'est bien à une résistance populaire que les forces d'occupation se heurtent, même si ce n'est qu'une infime minorité qui participe aux opérations armées et aux attentats terroristes.

L'invasion de l'Irak et les destructions qu'elle a entraînées, puis la prise du pouvoir par une autorité d'occupation qui n'a rien fait pour satisfaire les besoins les plus élémentaires de la population, ne pouvaient que susciter l'hostilité. Le fait que cette occupation s'installe dans la durée ne pouvait qu'engendrer un mouvement de révolte qui n'a cessé de s'exprimer dans la rue, par des manifestations contre les occupants et contre les conditions matérielles difficiles imposées à la population. De là à ce que des forces plus ou moins réactionnaires cherchent à se porter à la tête de ce mouvement de révolte, en recourant à la lutte armée, voire au terrorisme et aux attentats suicides, il n'y avait qu'un pas et il a été vite franchi.

L'invasion et l'occupation anglo-américaines auront ainsi offert un tremplin à des forces réactionnaires -intégristes, nationalistes ou autres- pour qui la population n'est qu'une masse de manoeuvre dans leurs rivalités pour le pouvoir. Quoi que puissent faire aujourd'hui les dirigeants impérialistes, qu'ils choisissent de rester ou, au contraire, de retirer leurs troupes, en laissant Chiites, Sunnites et Kurdes se débrouiller entre eux, la situation en Irak ne peut que devenir explosive et lourde de dangers pour l'ensemble de la population.

Pendant ce temps, Bush brandit l'appât des contrats de reconstruction pour l'Irak, et les réserve aux seules entreprises des pays qui ont soutenu sa politique, mais d'abord et avant tout aux trusts américains. Lui et ses collègues du "Club de Paris", qui réunit les pays les plus riches créanciers de la planète, peuvent bien discuter de l'annulation de la dette irakienne au nom de la reconstruction du pays. Mais à supposer même que les puissances impérialistes et leurs trusts en aient la volonté (comme si ce n'étaient pas les profits de l'or noir irakien qui les attiraient) de quelle reconstruction peut-on parler dans un pays qui sombre dans le chaos, le terrorisme et la guerre?

A défaut, Bush fait patienter ses trusts en les faisant profiter des fonds publics de l'État.

Partager