Russie, élections législatives : Poutine triomphe sans surprise12/12/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/12/une1845.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie, élections législatives : Poutine triomphe sans surprise

Les élections législatives russes du 7 décembre ont été, comme prévu, un succès pour le parti présidentiel, Russie Unie. La seule incertitude concernait l'ampleur de la victoire de Poutine. Eh bien, il a raflé la mise. Son parti a la majorité absolue à la Douma (l'Assemblée nationale), ce que l'on appelle l'opposition ayant été laminé.

À la différence de ce qu'on avait connu sous Eltsine, le prédécesseur de Poutine, la Douma sortante ne faisait déjà même plus semblant de mettre des bâtons dans les roues du président. Mais l'opposition (le KPRF - le parti communiste - et les libéraux) y avait encore un certain poids. Cette fois, le KPRF a perdu près de la moitié de ses électeurs et députés. Quant aux partis centristes SPS et Iabloko, ils ont été balayés, n'ayant pas atteint le seuil de 5% des voix qui leur aurait donné des députés au scrutin de liste. Même la demi-douzaine d'élus qu'ils ont obtenue au scrutin uninominal ne leur donne plus le droit d'exister en tant que groupe à la Douma.

Le KPRF, auquel les sondages promettaient 20 à 25% des voix, crie à la fraude massive, la commission électorale centrale lui attribuant moins de 13% des suffrages. Ce ne serait certes pas la première fois qu'un scrutin serait trafiqué en Russie depuis l'effondrement de l'URSS. Eltsine appelait cela la démocratie. Poutine préfère, lui, parler de «démocratie contrôlée». Il y a juste deux mois, on en a eu un exemple en Tchétchénie avec la parodie d'élection présidentielle tenue par l'armée d'occupation russe.

Mais il n'est même pas certain que Poutine ait eu besoin de «corriger» les résultats des élections législatives, tant la défaite de son opposition y apparaissait garantie sur facture.

Le Kremlin n'a eu ainsi qu'à rappeler largement que Khodorkovski, le milliardaire récemment emprisonné, finançait les partis centristes. Même s'ils ne sont pas les seuls, cela suffisait à affaiblir leur cote, déjà pas bien grande, tant la haine de la population est forte pour les «oligarques» voleurs qui se sont enrichis en dépeçant l'économie. Comme, en plus, les centristes ont dénoncé les tendances dictatoriales de Poutine en prenant la défense du «pauvre» Khodorkovski, de la liberté d'entreprendre et du droit de propriété, cela ne pouvait guère leur assurer les faveurs des électeurs. Mais ils y ont gagné celles de la presse d'ici, qui les présente comme les «seuls véritables démocrates en Russie»...

Quant au parti communiste KPRF, le seul parti en Russie qui ait une réelle implantation, en tout cas de la sympathie, dans de larges pans d'une population qui a vu son sort empirer depuis une quinzaine d'années, il ne pouvait que perdre sur tous les tableaux. En disant vouloir se renouveler, en fait pour se faire reconnaître comme «responsable» et aussi pour se faire financer, il avait placé aux positions éligibles une série d'hommes d'affaires, ce qui n'a pas été du goût d'une partie de ses électeurs populaires. Ensuite, comme à son habitude, il a entonné l'air de la grandeur de l'État, de la Russie éternelle et orthodoxe, un terrain sur lequel il a dû faire face à forte concurrence. À l'extrême droite, il y a eu celle du parti de Jirinovski, allié plus ou moins ouvertement à Poutine, qui talonne désormais le KPRF. Mais il y a eu aussi un nouveau parti, La Patrie, créé tout exprès par les milieux proches du Kremlin pour chasser sur les terres du KPRF, qui a encensé l'ex-URSS et crié haro sur les oligarques. Ce populisme, que certains en Russie ont dit de gauche, parfois pour s'y rallier, a permis à La Patrie d'engranger presque autant de voix et de députés que le KPRF.

Mais c'est bien sûr le parti présidentiel qui était le plus crédible de ce point de vue, lui dont le «programme» se résume à se dire «avec le président». Un président Poutine qui avait opportunément relevé le niveau misérable des pensions de retraite à la veille de l'élection, et peu avant envoyé en prison le magnat le plus en vue et honni du pays.

Mais tout cela reste très relatif. Car, même si la presse d'ici et de là-bas n'insiste pas sur ce point, ces élections ont laissé une grande partie de la population indifférente. La moitié, au moins, des électeurs se seraient abstenus. En fait, l'abstention ne cesse de progresser au fil des scrutins, tant la majorité des gens sont convaincus ne rien avoir à attendre de bon de ceux qui les gouvernent et, plus encore, ont bien d'autres chats à fouetter, quand trouver les moyens de vivre, et parfois de survivre, reste la préoccupation numéro un d'une grande majorité de la population russe.

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