Réforme des universités : En arrière, toute!19/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1842.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Réforme des universités : En arrière, toute!

Prévue au printemps dernier, mais repoussée par Sarkozy suite à la contestation du plan Fillon sur les retraites, la réforme des universités préparée par le ministre de l'Éducation nationale, Luc Ferry, repointe le bout de son nez. Et avec elle les premières mobilisations étudiantes, à Rennes ou à Villetaneuse.

L'autonomie des universités

Décentralisation, autonomie, liberté, rapprochement des services de l'État des réalités locales... On connaît les prétextes derrière lesquels se dissimule la volonté de sabrer dans les budgets publics. Et ce projet ne fait pas exception.

Pour commencer, Ferry se propose de modifier la composition des conseils dirigeant les universités, afin de les rendre moins dépendants des enseignants. Ainsi le président pourrait-il dorénavant être choisi en dehors de la communauté des professeurs, et même en dehors de la fonction publique! Les universités risquant de dépendre davantage des financements locaux, publics ou privés, et les payeurs étant les décideurs, c'est une manière d'ouvrir la porte à la nomination à la tête des facultés de notables locaux ou de représentants patronaux.

L'argent étant le nerf de la guerre, cela vaut pour la guerre du gouvernement contre le service public. En proposant de renforcer l'autonomie financière des établissements, l'État prépare son désengagement. Avec la loi Ferry, les présidents d'université obtiendraient des pouvoirs accrus, en particulier en matière de personnel. Ils pourraient plus librement embaucher... et débaucher des salariés en statuts précaires. Bien davantage qu'aujourd'hui, le président d'université aurait pouvoir d'adapter le contenu des enseignements aux besoins du patronat local, ou au manque de moyens d'une région.

Que la décentralisation signifie en l'occurrence la réduction des moyens, le projet de loi ne cherche même pas à le cacher, puisqu'il annonce que les petites universités (de moins de 15000 étudiants) devront trouver les moyens de fusionner. Et tant pis pour les étudiants qui devront faire quelques centaines de kilomètres supplémentaires, payer le transport et le logement. Les personnels de ces universités ne s'y étaient d'ailleurs pas trompés, qui comme à Perpignan ou au Mans étaient entrés en grève sur cette question au printemps dernier.

La réforme «LMD»

Le projet Ferry mérite une réaction d'autant plus forte que celui-ci vient s'ajouter à une autre réforme, dite «LMD», préparée celle-là depuis des années et actuellement mise en oeuvre.

Cette «réforme» se présente elle aussi sous des dehors séduisants, au nom de l'harmonisation européenne. Elle se propose d'unifier les différents diplômes nationaux, ce qui faciliterait, nous dit-on, la circulation des étudiants d'un pays à l'autre au cours de leurs études. Les diplômes français actuels (DEUG, licence, maîtrise, doctorat) seraient ainsi remplacés par un système à trois niveaux: la licence (obtenue à bac +3), le master (à bac +5) et le doctorat (bac +8). D'où son nom: «LMD».

S'il ne s'agissait que de cela, on ne verrait évidemment pas d'objection, les diplômes français ne possédant aucune vertu particulière par rapport à ces futurs diplômes européens. Malheureusement, cette harmonisation européenne dissimule un plan d'économies. En particulier, le remplacement des actuels diplômes à bac+5 par les futurs «masters» se traduira par une hausse considérable des effectifs étudiants dans chaque cours, et par une diminution de la variété de filières. Là où les DEA et DESS -les diplômes actuels- comptaient fréquemment des effectifs d'une douzaine à une vingtaine d'étudiants, la norme pour les masters a été fixée à 200!

Une situation dégradée

Le gouvernement n'a certes pas attendu que ces réformes soient effectives pour commencer à faire des économies sur l'enseignement supérieur, tout simplement en ne respectant pas ses engagements. Nombre d'universités sont confrontées à de véritables casse-tête financiers. Le ministère accumule les retards de paiement, les recettes prévues ne rentrent donc pas, les présidences se débrouillent comme elles peuvent et le personnel est obligé de jongler pour assurer comme il le peut la continuité du service. On arrive ainsi à des situations ubuesques: la date à laquelle on n'a plus le droit de dépenser arrive... avant que les crédits prévus pour l'année aient été installés sur les comptes! Dans d'autres cas, comme à Orsay l'an dernier, on est obligé de procéder à une fermeture temporaire.

Personnels et étudiants doivent faire échec à cette régression et aux projets du gouvernement qui ne feront que l'amplifier. Les mobilisations actuelles annoncent-elle un mouvement plus large? C'est à souhaiter, car il y a urgence!

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