Recherche : Un budget au service des intérêts privés19/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1842.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Recherche : Un budget au service des intérêts privés

Le budget de la Recherche est en hausse de 3,9%. La ministre, Claudie Haigneré, a voulu y voir «la priorité accordée à la recherche» par son gouvernement. Mais à y regarder de plus près, ce budget confirme au contraire la diminution des moyens accordés à la recherche publique. Si priorité il y a, c'est en matière de cadeaux au patronat.

En 2004, les grands organismes comme le CNRS, ou l'Inserm pour la recherche médicale, auront moins de moyens. La ridicule augmentation de 0,9% qui leur échoit ne compense même pas l'inflation. Et encore faudrait-il que les sommes prévues soient versées. Le gouvernement doit encore une partie des crédits 2002 au CNRS et à l'Inserm. En 2003, 100 millions d'euros promis aux laboratoires publics ont été annulés au printemps et 43 millions en octobre.

Au total, il y a plus de 200 millions d'euros de retard dans le versement des subventions votées. Cela se traduit par le délabrement de nombreux laboratoires, qui ne peuvent remplacer le matériel périmé, et encore moins acheter celui qui serait nécessaire. Des recherches sur le sida, ou les maladies cardio-vasculaires par exemple sont en panne, des projets sont annulés. Et pour le personnel, la situation n'est pas plus reluisante. 600 postes de titulaires seront supprimés en 2004, après 150 l'an dernier. Ils ne seront remplacés que partiellement par des CDD. Là aussi, des recherches sont arrêtées faute de personnel.

Devant un tel délabrement programmé, on est en droit de se demander où peuvent bien aller les 3,9% d'augmentation du budget de la Recherche. Eh bien, on les retrouve à peu de chose près dans ce que Claudie Haigneré appelle les «moyens incitatifs» de son ministère, autrement dit les cadeaux au patronat. Les réductions d'impôts allouées aux entreprises doublent. Elles passent de 519 millions d'euros en 2003 à plus de 1 milliard pour 2004. Là-dessus, le ministère de la Recherche verse directement 135 millions d'euros, une somme de l'ordre de celles qu'attendent en vain le CNRS ou l'Inserm.

La recherche est en effet un bon alibi pour les patrons en mal d'exonérations. Ainsi, au nom du «crédit d'impôt recherche», les entreprises peuvent se voir dispensées de payer une partie de ce qu'elles doivent à l'État. Le plafond en est relevé cette année de 6,1à 8 millions d'euros et les recherches d'armement, qui jusqu'alors n'y donnaient pas droit, sont ajoutées dans le lot commun. Les PME de moins de huit ans «actives en recherche» se voient affublées de l'étiquette «jeune entreprise innovante» et, plus intéressant pour leur possesseur, exonérées de charges sociales patronales et d'autres prélèvements.

Les sociétés peuvent également financer des «fondations», qui effectueront une partie de leurs recherches. Les sommes qu'elles y investissent bénéficient depuis le 1er août 2003 de 60% de réduction d'impôt, contre 33% auparavant. Et à cela s'ajoute l'incitation pour les entreprises privées à utiliser pour les travaux qui les intéressent les équipes des laboratoires publics. Cela leur vaut encore plus de réductions d'impôts. Les organismes publics, de leur côté, sont orientés dans cette direction. L'État les incite à aller chercher ailleurs les crédits dont il les prive.

Favoriser les profits privés avec les deniers publics, c'est une des principales recherches du gouvernement Raffarin, dans ce domaine comme ailleurs.

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