Euro Disney : Où sont passés les milliards versés par l’État?19/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1842.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Euro Disney : Où sont passés les milliards versés par l’État?

«Dès l'ouverture du parc, c'est cinq milliards d'excédents de devises qui viendront conforter la balance française», déclarait Michel Giraud, président du Conseil régional d'Ile-de-France, en 1987, au moment où Euro Disney implantait son premier parc d'attraction à Marne-la-Vallée, en banlieue parisienne.

Le moins qu'on puisse dire, quinze ans après l'ouverture du premier parc, c'est que les résultats sont loin des espérances. Aujourd'hui, Euro Disney est en perte de vitesse. La société reconnaît un déficit de 56 millions d'euros cette année, s'ajoutant aux 33 millions de l'année précédente. Pour son PDG, ces mauvais résultats s'expliqueraient par «une conjonction exceptionnelle de facteurs négatifs:2003 a été particulièrement difficile pour les industries du tourisme, à cause de la guerre du Golfe, du contexte économique, des menaces terroristes ou encore du SRAS», sans oublier, bien sûr, «les arrêts de travail et grèves en France» au printemps dernier. La liste des phénomènes justifiant le recul est longue (il n'y manque plus que le raton-laveur!) et semble satisfaire les banques, auprès desquelles Euro Disney est endetté et qui lui accordent un sursis de quatre mois pour rembourser ses prêts.

Une des raisons cependant qui pourrait expliquer la baisse de fréquentation (12,4 millions de visiteurs contre 13,1 l'année précédente) reste quand même le prix: 39 euros l'entrée pour un adulte pour chaque parc («Le Royaume magique» et «Walt Disney Studios»), alors que le second comprend trois fois moins d'attractions. Et les dépenses ne se limitent pas au ticket d'entrée: il faut bien se nourrir et, si l'on veut y dormir, payer entre 58 et 115 euros la nuit d'hôtel par personne (et on est obligé d'y passer au moins deux nuits!). Comme en général on y va en famille, il faut donc multiplier par quatre ou cinq les sommes déboursées. C'est dire que, pour un salarié n'ayant qu'un petit budget, la sortie à Euro Disney reste l'exception. Et le «contexte économique» ne s'améliorant pas, pour reprendre les termes de son PDG, les clients risquent de se faire encore plus rares.

En 1987, le gouvernement socialiste n'avait pourtant ménagé ni ses efforts, ni ses deniers, pour obtenir que Disney s'implante en région parisienne. A travers la Caisse des Dépôts et Consignations, il a prêté 4 milliards de francs en 1987, auxquels se sont ajoutés 2,5 milliards en 1999, en même temps que le taux des intérêts baissait, passant de 7,85 à 5,15%. Mais, surtout, il a pris à sa charge toutes les infrastructures routières et ferroviaires: création de deux gares , une RER, l'autre TGV, une liaison Eurostar, un boulevard circulaire, un échangeur autoroutier, etc., d'un coût s'élevant à 500 millions d'euros. A cet investissement initial s'est ajoutée une somme de 150 millions d'euros lors de l'ouverture du second parc en 1999, pour la construction d'une seconde gare RER, et maintenant, le ministre des Transports, de Robien, promet une rallonge de 100 millions pour le développement d'une zone urbaine autour d'Euro Disney, en affirmant que cela permettrait de créer 1500 emplois par an pendant sept ans.

Mais, au vu des pertes qui s'accumulent, rien ne dit déjà que les quelque 12000 salariés d'Euro Disney pourront conserver leur emploi. Il y a quatre ans, la société avait procédé à 950 licenciements et, si aucun «plan social» n'est pour l'instant annoncé, il n'en reste pas moins, selon un délégué syndical, que «tous les employés qui partent d'eux-mêmes ne sont pas remplacés et tous les services sont en sous-effectif».

Les sommes énormes déposées par l'État français se sont traduites par des profits pour la Walt Disney Company qui contrôle Euro Disney. Mais ce n'est pas elle qui paiera les pertes: ce sera le budget de l'État et les salariés d'Euro Disney mis à la porte.

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