Salaire au mérite dans le secteur public : Contre les employés et les usagers29/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1839.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Salaire au mérite dans le secteur public : Contre les employés et les usagers

Le gouvernement a entamé depuis le début de l'année une campagne sur l'instauration du «salaire au mérite» dans la Fonction publique. Manière de laisser croire que les fonctionnaires installés dans leur statut se la coulent douce et qu'il faudrait les stimuler.

Ce qui n'était jusqu'à maintenant que des propos sur «la mise en place d'un système permettant de reconnaître la valeur de chaque agent», comme disait le ministre de la Fonction publique en septembre, devrait dans les jours qui viennent connaître un début d'application avec la mise en place d'un système d'évaluation pour un millier de très hauts fonctionnaires, recteurs, procureurs, directeurs d'administration...

À vrai dire, à ce niveau-là, il n'y a pas besoin d'incitations financières pour que tous ces gens se bousculent pour accomplir avec zèle les directives de l'État.

Le fait pour un recteur, dans l'Éducation nationale par exemple, d'accéder un jour à un poste au ministère est une carotte supplémentaire. Dans la réalité, leur travail consiste à faire accepter aux parents et aux enseignants le manque de personnel dans les établissements, à justifier fermetures de classes et établissements scolaires surchargés. C'est précisément sur leur capacité à faire passer sans vagues ces mesures contraires aux intérêts de la population qu'ils sont jugés et que se construit leur carrière. Et il en va de même des hauts responsables de la santé, de la justice ou de tous les ministères.

Ce «salaire au mérite» dans la très haute Fonction publique est présenté comme le prototype de ce qui devrait se faire à tous les niveaux et dans tous les ministères. En 2004, dans les administrations dépendant des ministères de la Justice, de l'Intérieur, des Finances, il est prévu que des primes soient distribuées suivant de tels critères. Ce système de stimulation existe, mais ces primes, destinées à accélérer le rendement, n'ont rien à voir avec l'amélioration du service rendu aux usagers.

À l'ANPE par exemple, il existe une prime qui est liée à la diminution du nombre de chômeurs de longue durée. Quand on sait qu'il suffit de fournir un bilan de compétence ou un stage pour que le chômeur concerné sorte de cette catégorie, il n'est pas difficile de comprendre que cette prime accélère la suppression des chômeurs de la liste des demandeurs d'emplois. L'incitation financière de l'État vise donc à faire du chiffre, à lui permettre de publier des statistiques présentables.

À La Poste, les guichetiers sont intéressés financièrement... au nombre de produits qu'ils vendent. Des stages sont organisés pour leur expliquer comment harponner le client potentiel venu juste pour faire une petite opération. Les queues qui s'allongent, faute de personnel, ce n'est pas vraiment le problème des dirigeants de La Poste.

Dans la réalité, le «mérite» tel que le gouvernement l'entend et le fait répercuter à tous les niveaux de la hiérarchie, n'a donc rien à voir avec l'amélioration du service destiné aux usagers. C'est même le contraire, et c'est parce que les fonctionnaires résistent au quotidien à de multiples incitations leur enjoignant de ne pas consacrer trop de temps aux usagers, que les services publics réussissent tant bien que mal à fonctionner malgré le manque croissant de personnel.

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