Prisons : Les murs de la honte29/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1839.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prisons : Les murs de la honte

Lundi 27 octobre, l'Observatoire international des prisons a rendu public son rapport sur les conditions de détention en France. Ses auteurs s'attendaient à constater une nette dégradation de la situation des prisons depuis un rapport établi il y a trois ans mais, a déclaré l'un d'entre eux, «nous ne nous attendions pas à décrire une descente aux enfers.» Et il poursuivait: «les chiffres du bilan, s'ils inspirent le dégoût et suscitent la révolte, constituent le plus terrible des réquisitoires.»

Les prisons sont surpeuplées. Pour 48000 places, elles comptaient au 1er octobre 57000 détenus et même plus de 60000 en juillet. Pour la première fois, le chiffre d'incarcérations atteint au sortir de la Seconde Guerre mondiale a été dépassé! Le taux d'occupation moyen dans les prisons est de 125,4%. Dans 53 maisons d'arrêt, ce taux se situe entre 150 et 200% et dépasse 200% dans 25 d'entre elles. Il arrive que quatre prisonniers soient entassés dans un espace libre de 3 ou 4 mètres carrés toute la journée!

Étouffement, bruit, saleté, mauvaises odeurs, tel est le quotidien des détenus. Faute de place, on les enferme également là où c'est possible, sans tenir compte de la proximité de leurs familles; et les permis de visites sont accordés ou retirés de manière arbitraire.

L'autre indicateur de cette dégradation du monde carcéral, c'est le nombre de suicides. Il est en perpétuelle augmentation: 122 en 2002, contre 104 en 2001, soit sept fois plus en proportion que dans l'ensemble de la population.

Le ministre de la Justice, Dominique Perben, peut toujours, comme il l'a fait sur RTL mardi 28 octobre, récuser les «attaques excessives et grotesques» de l'Observatoire international des prisons et s'en prendre aux auteurs du rapport, les faits sont là. Ils sont alarmants. Ils se passent des commentaires indécents d'un ministre vivant dans un monde confortable et en partie responsable de cette situation indigne.

Car si la surpopulation dans les prisons n'est pas nouvelle, la politique du gouvernement, du «tout sécuritaire», n'a fait que l'aggraver. Le rapport indique qu'en cinq ans, les libérations conditionnelles ont baissé de 4,5%, les mesures de semi-liberté de 6,5% et les placements à l'extérieur de 18,7%.

Interrogé pour connaître les mesures du gouvernement face à cette situation, l'entourage de Perben a proposé que «bracelet électronique et centres de semi-liberté» connaissent «un développement sans précédent dès l'an prochain.» Pierre Bédier, en qualité de secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la Justice, prévoit d'agrandir le parc pénitentiaire. Soixante mille détenus (soit le nombre actuel) pourraient ainsi être accueillis dans les prisons, mais en... 2007.

D'ici là, la capacité carcérale du pays sera à nouveau insuffisante si le gouvernement continue à utiliser la prison comme principale réponse aux maux de la société. Et on ne voit pas pourquoi il en irait autrement, préoccupé qu'il est de satisfaire son électorat réactionnaire et prompt, pour cela, à incarcérer à tout-va pour toutes sortes de délits. Quant aux raisons même de ces délits, non seulement il s'en moque comme d'une guigne, mais il ne peut que contribuer à leur développement en choisissant de maintenir et de protéger une société de plus en plus déréglée, inhumaine et à bout de souffle!

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