Conventions collectives et intérêts communs : Renouer avec la lutte collective29/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1839.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Conventions collectives et intérêts communs : Renouer avec la lutte collective

Tant que les travailleurs n'auront pas mis fin au pouvoir absolu des patrons sur l'économie, la classe ouvrière ne pourra dans ces combats partiels qu'imposer des reculs limités à la classe capitaliste. Des lois et les conventions collectives ont permis dans le passé de garantir, au moins pour un temps, les avancées arrachées par la lutte collective. Ce fut le cas pour la loi sur l'interdiction du travail des enfants, l'interdiction du travail de nuit pour les femmes, la journée de huit heures, les 40 heures et les congés payés. Les grèves de mai et juin 1936 amenèrent la généralisation des conventions collectives, qui dès lors s'appliquèrent à toute une profession, dans les petites entreprises comme dans les grandes. Le mouvement ouvrier affirmait ainsi son unité et sa volonté d'imposer les mêmes droits pour tous.

Mais au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la principale préoccupation des dirigeants de la CGT et du Parti Communiste, très largement majoritaires parmi les travailleurs, était d'être considérés comme des partenaires à part entière dans la gestion des affaires de la bourgeoisie française. Pour prouver leur bonne volonté et leur «utilité» ils s'engagèrent à remettre sur pied l'appareil de production de la bourgeoisie. Les délégués du personnel se muèrent en véritables contremaîtres, incitant les travailleurs à produire toujours plus. A la même époque, les dirigeants syndicaux appelaient à la reconstruction nationale, condamnant les grèves qualifiées «d'arme des trusts».

Rejetés dans l'opposition pour de nombreuses années, ces mêmes dirigeants politiques et syndicaux ne se fixèrent plus comme but le maintien et l'amélioration des conventions collectives. Au nom du réalisme, bien des dirigeants syndicaux mirent en avant des revendications catégorielles et flattèrent les particularismes et les préjugés corporatistes. Ce sont eux qui défendirent auprès des militants la perspective des accords d'entreprise, en lieu et place des conventions collectives. Une telle politique, visant à négocier pour des secteurs limités de petits avantages, aboutit logiquement à diviser les travailleurs et à permettre aux patrons de revenir plus facilement en arrière en annulant des dispositions favorables contenus dans les conventions collectives.

La grève de mai-juin 68, où la classe ouvrière se retrouva rassemblée dans la grève, donna un nouveau souffle à la revendication collective des travailleurs. Mais l'intermède fut de courte durée car avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, et la collaboration ouverte du plus puissant des syndicats, la CGT, à la politique antiouvrière engagée par le PS avec le soutien du PCF, une période de recul des droits ouvriers collectifs s'affirmait à nouveau.

Avec la venue de la gauche plurielle au pouvoir, sous la direction de Jospin, de 1997 à 2002, cette politique continua comme auparavant. Toutes les confédérations syndicales se sont, par exemple, réjouies que les lois Aubry aient permis la multiplication d'accords d'entreprise, voire même limités à des parties d'entreprise. Au lieu de revendiquer des droits pour tous, les syndicats ont accepté de diviser à l'extrême les travailleurs, au plus grand profit du patronat.

Certes, les conventions collectives, et même la loi, ne sont pas des protections absolues qui protègent les travailleurs. Ce ne sont que des points d'appui qui devraient servir à renforcer l'idée que les intérêts de chacun sont les intérêts de tous. Défendre des revendications communes, de mêmes droits pour tous, permet au contraire d'unifier la classe ouvrière, sa conscience et ses combats. C'est cela que les militants ouvriers appelaient la conscience de classe, c'est-à-dire la conscience que leur classe, quelle que soit la profession, le niveau hiérarchique, le secteur d'activité, les statuts, avait des intérêts communs à défendre.

Pour le monde du travail, l'urgent aujourd'hui est de renouer avec cette conscience. C'est indispensable pour garantir à l'avenir les droits et l'avenir de tous.

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