Irak : Bourbier pour les Américains, chaos pour les Irakiens24/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1838.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Bourbier pour les Américains, chaos pour les Irakiens

Les efforts de Bush à faire partager aux autres puissances impérialistes le fardeau politique et militaire de l'occupation de l'Irak par le biais de l'ONU, montrent à quel point cette occupation commence à poser des problèmes aux dirigeants américains.

Elle pose tout d'abord des problèmes électoraux à Bush, même si celui-ci compte sur la "reprise" cent fois annoncée de l'économie américaine pour redorer son blason. Car Bush a de plus en plus de mal à faire accepter à son propre électorat que, plus de quatre mois après son annonce triomphante sur "la fin des opérations militaires en Irak", le nombre des victimes continue à croître inexorablement dans les rangs des soldats américains.

Mais au-delà de ces problèmes électoraux, cette occupation pose des problèmes d'un ordre plus général à l'impérialisme, et pas seulement américain, car toutes les puissances impérialistes ont des intérêts à préserver dans la région et des espoirs concernant les richesses irakiennes. Or on commence à voir se former en Irak une situation qui pourrait bien se transformer en bourbier face auquel l'armée la plus puissante du monde serait impuissante, et qui pourrait du même coup menacer à terme la stabilité politique fragile de bien des pays de la région.

L'impuissance de l'armée américaine, on peut la mesurer d'ores et déjà à Bagdad, où on recense officiellement une moyenne de 70 opérations armées par jour contre les détachements et les locaux des forces américaines. Loin d'avoir été réduit par les ratissages systématiques de la police irakienne et les arrestations en masse, le nombre de telles opérations n'a cessé d'augmenter tout comme celui des tentatives d'attentats-suicide, d'ailleurs.

Qui plus est, les attaques contre les forces d'occupation débordent largement le "triangle sunnite" autour de Bagdad. Le 18 octobre, c'est près de Kirkouk, en plein Kurdistan, région où les forces politiques dominantes sont favorables aux occupants, que deux soldats américains ont été abattus dans une embuscade. Il est vrai que cet attentat n'était peut-être pas sans rapport avec l'annonce d'un possible déploiement de troupes turques au Kurdistan -annonce qui, compte tenu des massacres commis par l'armée turque contre les Kurdes, en Turquie comme en Irak, ne peut être ressentie par les Kurdes irakiens que comme un coup de poignard dans le dos. En tout cas, cet attentat comme les nombreuses manifestations qui se sont déroulées au Kurdistan contre la menace d'une intervention turque ces derniers jours, pourraient annoncer un changement d'attitude de la population kurde vis-à-vis des forces d'occupation.

Pendant ce temps, à Bagdad, des affrontements ont opposé pour la première fois des troupes américaines et des policiers irakiens aux milices armées du leader chiite Muqtaba al-Sadr, qui semblent avoir pris le contrôle de l'ancien Saddam City -le gigantesque quartier de taudis dans lequel vivent plus de deux millions de chiites à Bagdad, ce qui en fait la plus grande ville chiite du pays.

Muqtaba al-Sadr et sa faction semblent dominer aujourd'hui la multitude de factions intégristes qui ont refusé (pour certaines, sans doute, parce qu'elles n'y étaient pas invitées) de se joindre au Conseil de Gouvernement fantoche mis en place par les Américains et qui ont appelé à lutter contre l'occupation. Al-Sadr se sent suffisamment fort pour non seulement résister ouvertement aux troupes d'occupation, mais également tenter une offensive armée contre des factions rivales, en particulier celles participant au Conseil de Gouvernement à Kerbala et dans la capitale chiite du sud, Bassorah.

Quant à la population qui, après les destructions de la guerre et l'incurie scandaleuse des forces d'occupation pour remettre en marche ce qu'elles avaient détruit, elle est maintenant confrontée à une répression de plus en plus violente de la part des troupes anglo-américaines et de leurs supplétifs irakiens, qui n'hésitent plus à tirer sur les manifestations, même lorsqu'il s'agit de chômeurs réclamant du travail. La politique des dirigeants impérialistes risque ainsi de jeter bien des recrues dans les bras de courants réactionnaires, intégristes ou autres, pourvu qu'ils aient l'air de leur offrir le moyen de se venger des exactions de l'occupant.

C'est ainsi que l'Irak est en train de sombrer dans un chaos, entre des courants tous plus réactionnaires les uns que les autres, luttant entre eux pour tout ou partie du pouvoir et n'hésitant pas pour cela à se servir de la population comme chair à canon, comme a coutume de le faire l'impérialisme lui-même.

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