États-Unis : Dans le Michigan, les employés d'État en colère24/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1838.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : Dans le Michigan, les employés d'État en colère

Ils étaient 3500 le 2 octobre dernier a manifester dans la capitale du Michigan contre les projets du gouverneur qui depuis des mois a lancé contre eux une attaque en règle.

Comme celui de nombreux États américains, le budget du Michigan est en déficit. La nouvelle gouverneure, Jennifer Granholm, une démocrate élue l'an dernier, a pris prétexte du déficit laissé par son prédécesseur républicain pour réclamer aux employés de l'État des sacrifices lui permettant d'économiser 230 millions de dollars (environ 230 millions d'euros). Il s'agissait de renoncer à une augmentation de salaire de 3% prévue dans le contrat et d'accepter en outre une réduction de salaire de 2,7%. La part laissée à la charge des travailleurs en ce qui concerne les soins médiaux devait augmenter de 10%. Ces mesures et quelques autres aboutissaient à une économie de quelque 4000 dollars chaque année sur le dos de chacun des employés. La gouverneure menaçait de supprimer plusieurs milliers d'emplois si les travailleurs refusaient ces sacrifices.

Mais alors qu'elle exigeait des sacrifices des travailleurs, elle poursuivait la politique de son prédécesseur en matière de cadeaux aux grandes entreprises -politique qui avait contribué précisément à vider les caisses. Celui-ci a accordé en moins de dix ans 15 milliards de dollars au patronat sous forme d'exonérations fiscales et de subventions. Il s'en vante. Non seulement il n'est pas question que la nouvelle gouverneure revienne sur ces cadeaux et fasse payer aux entreprises ce qu'elles doivent, mais Jennifer Granholm a pu promettre des centaines de millions supplémentaires aux grandes entreprises comme Boeing, Chrysler, Pfizer, etc. Dans le budget 2004, un milliard de dollars est prévu comme avantages fiscaux et autres cadeaux au patronat local, quatre fois plus que ce qu'elle ose réclamer comme sacrifices aux travailleurs.

La contestation est partie de Détroit: alors que le responsable de l'AFL-CIO pour le Michigan offrait déjà ses services au gouverneur pour "négocier un compromis comprenant quelques sacrifices et quelques suppressions d'emplois", les responsables syndicaux locaux de l'UAW, l'un des six syndicats des employés de l'État, ont organisé en avril dernier une manifestation devant le principal immeuble des services de l'État , au centre de Détroit, sur le temps de midi car les employés d'État n'ont pas le droit de faire grève. Quelque 700 employés, y compris des syndicalistes des autres syndicats, des non-syndiqués et des retraités, participèrent à cette manifestation bien inhabituelle pour crier "Non aux sacrifices, pas question de se laisser faire". Du coup la gouverneure a annoncé le soir même qu'elle allait réfléchir et peut-être trouver d'autres moyens de faire des économies.

En fait, elle attendait que la colère retombe pour revenir à la charge. En septembre, elle annonça brutalement qu'il fallait que son plan d'économies soit bouclé pour le 1er octobre. Elle exigeait toujours autant de sacrifices de la part des travailleurs. Elle leur proposait entre autres de ne les payer que 38 heures pour 40 heures de travail hebdomadaire et d'ouvrir à chacun un compte temps individuel permettant de prendre des jours de congés supplémentaires dans certaines conditions ou de recevoir la paye correspondante... au moment du départ en retraite! Elle menaçait de supprimer 3000 emplois si les sacrifices n'étaient pas acceptés.

Mais la colère, loin d'être retombée, s'est répandue, encore attisée par son chantage. Le personnel est déjà trop réduit dans tous les services indispensables à la population à cause des réductions d'effectifs passées (l'an dernier 7000 employés sont partis en préretraite), les employés ne sont pas prêts à travailler sans être payés ni à se laisser intimider. Une nouvelle manifestation a eu lieu à Détroit le 18 septembre, regroupant cette fois mille personnes, bien décidées à se faire entendre: "Non aux sacrifices, pas question de se laisser faire!"; "Pas de paye, pas de travail". Ceux des syndicalistes qui appelèrent les travailleurs à accepter un compromis furent hués copieusement tant et si bien que le responsable de l'AFL-CIO dut cette fois se prononcer clairement contre le projet de la gouverneure.

La manifestation du 2octobre s'est tenue dans la capitale de l'État, Lansing, et a été trois fois plus nombreuse, alors que des manifestations se tenaient en même temps dans six autres villes de l'État, trop éloignées pour que de nombreux employés aient pu se rendre dans la capitale. La colère et la détermination s'exprimaient encore plus fortement que lors des précédentes manifestations. Les slogans et les pancartes fabriquées par les manifestants s'en prenaient directement aux politiciens qui arrosent le patronat et s'en mettent plein les poches.

C'est dire que les protestations et la détermination des employés de Détroit a commencé à faire tache d'huile à travers le Michigan. Ce sont quelque 35000 employés qui sont directement attaqués et qui représentent une force importante à l'échelle de cet État, d'autant plus importante que c'est un État très industriel où des dizaines de milliers d'ouvriers, en particulier dans l'automobile, sont soumis aux attaques incessantes du patronat.

La résistance des employés de l'État, si elle continue à se développer avec la même détermination, et bien sûr si elle réussit à mettre en échec les plans de la gouverneure, redonnerait confiance à bien des travailleurs qui subissent depuis des années les mêmes attaques. Le sentiment que "trop, c'est trop" et la volonté de dire: "Non aux sacrifices! Plus question de se laisser faire!" pourraient bien être contagieux au-delà même des employés de l'État....

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