Irak : L’enlisement02/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1835.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Irak : L’enlisement

Avec la multiplication des attentats contre les troupes d'occupation, les installations pétrolières, ou même, tout récemment, l'hôtel qui abrite la délégation de l'ONU, les États-Unis s'enlisent dans la guerre en Irak. Les 140000 hommes sur place sont incapables de contrôler le pays. Le gouvernement américain vient de mobiliser en renfort 10000 hommes de la Garde nationale américaine. Il s'agit de troupes de réserve, dont 20000 servent déjà en Irak et en Afghanistan à côté des troupes régulières. 5000 réservistes supplémentaires pourraient suivre, si les appels américains à une aide militaire internationale restaient sans effet.

Sur le plan économique, les États-Unis, dont le premier objectif militaire avait été de «sécuriser» les puits de pétrole, ne tirent même pas de ces puits la moitié de ce qu'ils produisaient avant la première guerre du Golfe. Les bombardements de deux guerres et dix ans d'embargo ont lourdement détérioré les installations. Pour «sécuriser» les pipelines, le commandement américain en est à prévoir de mettre sur pied une force militaire spéciale. Ne parlons pas du manque d'électricité, du chômage, de la misère de la population: c'est le cadet des soucis des forces d'occupation.

Aux États-Unis, Bush commence à être la cible des critiques des députés démocrates, désireux de tirer un futur profit électoral de l'impopularité de la guerre. Ces Démocrates se gardent bien de lui reprocher la guerre elle-même. Ils ne critiquent que son imprévoyance et rechignent aux 87 milliards de dollars de crédits supplémentaires demandés au Congrès.

Bush fait la manche à l'ONU

C'est pour l'instant sans succès que Bush est allé chercher à l'Assemblée générale de l'ONU une caution et surtout une aide internationale en hommes de troupe et en dollars.

Certes, il ne rencontre pas, de la part des dirigeants des autres grandes puissances, d'opposition à la guerre qu'il mène. Chirac est allé parader à New York en chef de file du «front du refus» et en défenseur des prérogatives de l'ONU. Mais il a précisé qu'il n'opposerait aucun veto à la résolution sur l'Irak que les USA comptent présenter prochainement. Et il a déclaré à la presse américaine qu'il souhaitait «évidemment le succès des États-Unis en Irak, parce que la stabilisation de la situation est nécessaire, parce que la reconstruction est inévitable, parce que la démocratisation est évidemment souhaitable». Comme Bush doit souhaiter à Chirac du succès en Côte d'Ivoire!

Partage du gâteau ou guêpier?

Mais entre le souhait d'ordre, qui permettrait de faire à nouveau couler largement le pétrole irakien dans les tankers des grandes compagnies, et l'envie de partager le fardeau d'une occupation militaire difficile, il y a de la marge. Et il y a probablement en coulisse, comme il y a eu avant le déclenchement de la guerre, bien des marchandages sur l'éventuel partage du gâteau.

Schröder s'est dit, lui, seulement prêt, dans le cadre d'un engagement de l'ONU, à fournir «une aide humanitaire» et une assistance technique pour la formation de la police irakienne. Quant au Japon qui avait été le plus grand financier de la première guerre du Golfe, fournissant 13 milliards de dollars, il n'en concède qu'un milliard pour la guerre actuelle et vient de repousser aux calendes l'envoi prévu de 1000 hommes.

Quant aux marchandages russo-américains, qui ont valu à Poutine une invitation personnelle à la résidence présidentielle de Camp David, ils portent plus sur le pétrole russe, le développement du terminal pétrolier de Mourmansk destiné aux exportations vers les USA (Exxon ou Chevron comptent bien prendre des participations dans la compagnie pétrolière russe Youkos), que sur le pétrole irakien. Mais le président américain ne peut guère espérer de Poutine plus qu'un soutien diplomatique, sans doute pas de troupes (occupées en Tchétchénie) et encore moins de dollars.

Une victoire toujours pas acquise

En déclenchant sa guerre à Irak, le gouvernement américain voulait à la fois s'assurer le contrôle direct d'un des principaux pays pétroliers du monde et faire une démonstration de force vis-à-vis de tous les gouvernements du tiers-monde et de leurs peuples.

Mais sa victoire militaire contre l'armée du dictateur irakien le fait aujourd'hui déchanter. La bataille de l'occupation américaine, dans ce pays dévasté, est loin d'être gagnée. Même si le peuple irakien ne possède aucune organisation, aucun parti qui puisse lui donner espoir à la fois de se débarrasser de l'occupation et d'éviter le retour à une nouvelle dictature, nous ne pouvons que souhaiter que l'enlisement actuel conduise l'opération américaine à un fiasco, amplifie non seulement là-bas, mais aux États-Unis même l'opposition à la guerre et contraigne le gouvernement américain au retrait de ses troupes.

Partager