Éducation : Le public privé de moyens, le privé privé de contraintes02/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1835.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Éducation : Le public privé de moyens, le privé privé de contraintes

Les responsables de l'enseignement privé annoncent des effectifs en hausse, d'une dizaine de milliers d'élèves scolarisés dans ce secteur, lors de la rentrée. Ils auraient même été contraints d'en refuser deux fois plus. Alors que l'augmentation ne représente somme toute que 0,6% des effectifs du privé, ils pavoisent et réclament les moyens pour faire face dans l'avenir à cet afflux d'élèves.

L'annonce de ces chiffres a été non seulement l'occasion d'une véritable campagne de promotion de l'école privée, mais également d'incriminer les grèves du printemps dernier dans le public, rendues responsables d'une attraction redoublée pour cette filière.

Dans certaines villes, ce type d'écoles offre peut-être des conditions meilleures d'enseignement et de vie scolaire. Mais ce n'est certainement pas parce qu'elles sont privées, ou parce que les enseignants y seraient plus compétents ou plus dévoués que dans les établissements du public.

L'embauche des enseignants du privé est validée par l'Education nationale qui paie leurs salaires et qui vérifie des qualifications identiques à ceux de leurs collègues du public. L'école privée bénéficie de cette façon de fonds publics très importants. Mais ce n'est pas tout. Elle dispose d'une somme forfaitaire par élève versée par l'État, et de bien d'autres contributions de la part des différentes collectivités territoriales pour fournir tel ou tel équipement, informatique par exemple. Cela vient s'ajouter à ce qui est payé par les parents. En conséquence, l'école privée a bien plus de moyens, et un encadrement adulte par élève bien supérieur à ce qui existe dans l'école publique. En revanche, elle ne subit pas l'ensemble des contraintes imposées à cette dernière.

Et puis, à la différence de l'école publique, les dirigeants du privé installent des écoles là où ils le souhaitent vraiment, dans un quartier résidentiel plutôt que dans une cité-dortoir par exemple. Ils inscrivent les élèves qui leur conviennent, selon leur seul bon vouloir, en tout cas seulement ceux dont les parents ont fait la démarche volontaire de se tourner vers eux, ce qui garantit la qualité des liens établis entre l'école et les familles. Ils n'ont pas à tenir compte d'une «carte scolaire» qui, dans le public, oblige les parents à scolariser leurs enfants uniquement dans l'établissement prévu par l'administration. Cela est respecté, au moins par les plus modestes, et a souvent comme résultat de concentrer les difficultés sociales dans certains établissements qui deviennent ainsi de véritables ghettos scolaires. Quant à la nécessité de scolariser tous les élèves jusqu'à 16 ans, quels que soient leurs retards, leurs problèmes ou leurs handicaps, il n'y a pour l'école privée aucune obligation en la matière.

La confrontation entre l'école publique et l'école privée est donc un combat inégal. Face aux contraintes réduites de l'enseignement privé qui bénéficie pourtant de fonds publics, le public est souvent privé... de moyens à la mesure des difficultés rencontrées. Il revient alors aux personnels qui sont confrontés à celles-ci, de se battre pour obtenir ces moyens nécessaires.

Ceux qui ont fait grève au printemps dernier et que l'on voudrait diaboliser aujourd'hui à propos de la petite hausse des effectifs de l'enseignement privé, ne l'ont pas fait seulement pour la défense de leurs retraites. Ils luttent tout autant contre la précarité et le projet de décentralisation d'une fraction des personnels, pour maintenir la présence des adultes nécessaires au fonctionnement des établissements, bref, pour défendre l'école.

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