Bâtiment,travaux publics : Faciliter le profit des plus gros03/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/07/une1822.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Bâtiment,travaux publics : Faciliter le profit des plus gros

Sous prétexte de "simplifier le droit", le gouvernement veut permettre aux grands patrons du bâtiment et des travaux publics de se voir attribuer encore plus facilement les grands chantiers. Et il ne sera pas trop regardant ni sur les prix ni sur la qualité.

Que les actionnaires des grosses sociétés du bâtiment et des travaux publics vivent en grande partie de l'argent de la collectivité, ce n'est pas nouveau. La construction de logements sociaux, de routes, de bâtiments publics alimente les carnets de commandes, et tous ces travaux sont une source importante de bénéfices. Ainsi, au début des années quatre-vingt-dix, lors de la rénovation de lycées, une entente entre les grands groupes du bâtiment avait conduit à des profits spectaculaires. En Île-de-France, la majorité -RPR à l'époque- du Conseil régional avait été arrosée largement.

L'affaire avait été particulièrement juteuse, allant par exemple jusqu'à une marge de 15% en faveur d'une filiale de la Lyonnaise des Eaux pour les travaux du lycée de Coulommiers en Seine-et-Marne. Le montant des sommes ainsi dilapidées ayant été en partie rendu public, la façon de passer ce genre de commandes de travaux fut par la suite légèrement revue. Pas pour longtemps, puisque le gouvernement vient d'obtenir -dans un délai record- le feu vert de sa majorité au Parlement pour revenir à une façon de faire qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la pratique antérieure.

Officiellement, il s'agit de "simplifier le droit". En réalité, il s'agit de simplifier la vie aux plus grosses sociétés du bâtiment, en leur évitant d'avoir à négocier sur les prix.

Cela a déjà commencé l'année dernière pour la construction de prisons, de commissariats et de gendarmeries. Politique du "tout sécuritaire" oblige, il n'y avait pas le temps de finasser, expliquait le gouvernement: il fallait confier d'urgence la construction de ces bâtiments à des entreprises capables à la fois de faire les projets sur plans, de construire, de jouer un rôle de banquier et d'assurer la maintenance. Et l'État, bon prince, acceptait de signer un contrat unique pour tout cela, sans avoir forcément le temps d'entrer dans les détails.

L'hiver dernier encore, ce genre de commandes, c'était promis, devaient rester exceptionnelles. Mais comme l'appétit vient en mangeant, il est aujourd'hui question de procéder de la même façon "simplifiée" pour des projets d'hôpitaux à Caen, à Dijon, au Havre, ou pour la construction d'une mairie dans l'Hérault et de plusieurs sections du TGV.

Des organisations d'architectes ont protesté parce que leur profession se trouve quasiment évincée de ces constructions, si ce n'est comme sous-traitante des grandes sociétés du bâtiment. À cette occasion, elles rappellent les problèmes engendrés dans le passé par ce type de commandes. Ainsi, 875 établissements scolaires du type "Pailleron" avaient été construits au début des années soixante-dix, en faisant des économies et avec des règles de sécurité "assouplies". Le 6 février 1973, ce fut le drame, un incendie ravagea le collège de la rue Edouard Pailleron dans le 19e arrondissement de Paris, provoquant la mort par asphyxie de16 enfants et de 4 adultes.

Aujourd'hui, si le gouvernement voulait effectivement construire ou rénover des bâtiments, pour les hôpitaux par exemple, en se souciant de la qualité sans pour autant creuser des gouffres financiers, il imposerait ses prix aux grands groupes du bâtiment sous le contrôle des futurs usagers (personnels, médecins). Mais il préfère clamer aux grandes sociétés du bâtiment: enrichissez-vous, l'argent public est là pour vous servir, et vite.

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