Pologne : Le référendum sur l'entrée dans l'union européenne26/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1821.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pologne : Le référendum sur l'entrée dans l'union européenne

Sixième pays à se prononcer par référendum sur son entrée dans l'Union européenne, après Malte, la Slovénie, la Hongrie, la Lituanie et la Slovaquie, la Pologne votait sur ce sujet lors du week-end de la Pentecôte, tandis que le week-end des 14 et 15 juin, c'était au tour de la République tchèque de se prononcer.

Les résultats polonais, 58,82% de participation et sur ces votants 77,44% de oui, ont réjoui les politiciens polonais presque de tous bords.

Leur joie était moins visible le premier jour du vote, le samedi 8 juin, où la participation n'était que de 17,61%. Le journal Gazeta, le quotidien issu de Solidarité, a fait tirer un numéro gratuit -comme il l'avait déjà fait en d'autres circonstances graves- distribué partout le dimanche 9 juin, et titrant: "Il faut qu'on soit deux fois plus nombreux dimanche" et "Il manque 9,6 millions de votes!" A l'unisson avec lui, et avec la prise de position du pape en faveur de l'entrée dans l'UE, nombre de cloches d'églises entonnaient pour les cérémonies de ce dimanche de Pentecôte l'Hymne à la Joie, adopté comme hymne par l'Union européenne.

Le résultat a donc été conforme aux espérances comme aux tractations des uns et des autres: l'Eglise marginalisant en son sein les partisans du non, qui se sont surtout retrouvés parmi les catholiques intégristes et l'extrême droite xénophobe, et le gouvernement, dirigé par la gauche, ne touchant toujours en rien à la loi interdisant l'avortement ou encore l'éducation religieuse à l'école.

Quant à l'avenir de la Pologne intégrée dans l'Union européenne, il risque d'être moins réjouissant qu'il n'a été présenté lors de la campagne, quasi unanime pour le oui, menée de la droite modérée à la gauche.

La petite couche d'hommes d'affaires, qui s'est étoffée avec les privatisations et l'intégration de fait, déjà, d'une partie de l'économie polonaise dans l'UE, a sans doute des raisons de penser que, même sous la coupe des grandes bourgeoisies impérialistes d'Europe occidentale, elle aura peut-être plus d'opportunités devant elle.

Mais la population ouvrière, elle, même si elle a accès désormais à quelques biens de consommation d'Europe occidentale, a surtout vu le chômage se développer, les acquis sociaux voler en éclats, et elle a appris à ses dépens que les grands trusts d'Europe occidentale pouvaient avoir encore moins de ménagements avec les travailleurs d'Europe de l'Est qu'avec ceux de l'Ouest. On vient encore d'en avoir l'illustration avec les licenciements chez TPSA, l'opérateur polonais de téléphone, racheté par France Télécom.

Quant à la population paysanne, elle se doute bien que si la petite partie des agriculteurs riches et modernisés tirera peut-être profit des subventions de l'UE -et encore, le maquis juridique peut durer longtemps et être semé d'embûches autant que d'aumônes- les petits agriculteurs, vivant sur des exploitations familiales, sont probablement voués à disparaître, l'agriculture polonaise devenant, comme en Europe occidentale, une grande agriculture capitaliste. Sans attendre l'entrée dans l'UE d'ailleurs, certains trusts d'Europe de l'Ouest s'y sont déjà lancés, comme par exemple Materne qui, depuis longtemps déjà, fait cultiver en Pologne les fruits rouges pour ses confitures. Et nombre de reportages ont montré des agriculteurs, entre autres des Français, qui pour des sommes bien inférieures à celles pratiquées en France avaient acheté de grandes propriétés, les avaient modernisées, et ne sont sans doute pas les plus angoissés à l'idée de la future concurrence de leurs produits avec ceux des autres pays de l'UE.

Alors, les résultats électoraux n'ont guère été étonnants, au regard de la situation politique actuelle en Pologne. Il n'a pas été surprenant non plus que les plus faibles taux de participation viennent du nord-est de la Pologne, régions les plus enclavées du pays, où nombre de chômeurs des villes sont revenus dans leur village d'origine essayer de vivoter sur de petites exploitations misérables, et qui ne peuvent même pas, contrairement à ceux de l'ouest de la Pologne, vivre du commerce transfrontalier. Car si, à l'ouest, l'Allemagne prospère peut permettre aux mêmes de trouver un peu de quoi survivre, à l'est, les économies effondrées d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie ne le permettent même pas.

Depuis 13 ans que les économies polonaises et européennes se sont rapprochées, les travailleurs polonais ont pu mesurer le peu que cela leur a apporté, et par conséquent, le peu d'enjeu que représentait le référendum du 8 et 9 juin derniers.

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