Ce bon Bush qui produit des OGM pour nourrir la planète26/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1821.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ce bon Bush qui produit des OGM pour nourrir la planète

Dix mois de prison -six pour avoir détruit des plants de riz génétiquement modifiés dans une serre expérimentale en juin 1999 et quatre pour avoir dégradé un stock de maïs transgénique en janvier 1998-, l'incarcération de José Bové se déroule au moment où Bush plaide pour les organismes génétiquement modifiés (OGM) au nom de la lutte contre la faim dans le monde!

Depuis 1998, l'Union européenne a prononcé un moratoire, un temps d'arrêt, sur l'importation de tout nouveau produit alimentaire OGM. Les États-Unis, qui sont, et de très loin, les premiers producteurs d'OGM, ont donc vu leurs espoirs d'exportation vers l'Europe déçus. En 1999, ils estimaient que le manque à gagner atteignait, rien que pour le maïs transgénique, 300 millions de dollars.

En fait, le moratoire devrait être bientôt levé. En effet, le Parlement européen doit, le 2 juillet, adopter définitivement les règlements sur l'étiquetage et la traçabilité des produits OGM, déjà adoptés l'année dernière en première lecture. Ces règlements devraient permettre de distinguer les "filières" d'aliments avec ou sans OGM et donc laisser prétendument le libre choix au consommateur. Mais les États-Unis craignent les amendements, les contraintes, bref des restrictions et des obstructions à leur pouvoir de commercer en rond. Alors toutes les pressions sont bonnes.

Ainsi, mi-mai 2003, l'administration Bush a porté plainte devant l'Organisation Mondiale du Commerce contre l'Union européenne, sous prétexte qu'aucun argument scientifique sérieux ne justifiait le moratoire de l'Europe. Et Bush, fidèle porte-voix des industriels des semences et des biotechnologies, n'a pas hésité à déclarer que le moratoire de l'Union européenne envers les OGM était un obstacle à la lutte contre la famine en Afrique!

À qui le président américain veut-il faire croire qu'il se préoccupe le moins du monde de nourrir les peuples affamés de la planète? Rien n'interdirait à la toute-puissante industrie agro-alimentaire américaine et à celle de tous ces pays riches qui croulent sous les excédents de produire toutes les céréales nécessaires à la subsistance des milliards d'hommes qui crèvent de faim. Et il n'est pas nécessaire pour cela de recourir aux plantes OGM aujourd'hui sur le marché.

Ces plantes génétiquement modifiées sont, à 99%, des plantes industrielles telles que soja, coton, maïs et colza. Quant aux nouveaux caractères génétiques qu'on leur a greffés, il s'agit, pour les trois quarts, d'un caractère de tolérance à des herbicides totaux et, pour le quart restant, de la possibilité de résister aux insectes nuisibles pour les cultures.

Il est sûr que ces innovations technologiques augmentent considérablement les rendements agricoles. Mais au bénéfice de qui? Si on prend le cas des plantes qui tolèrent les herbicides totaux, c'est vite vu. L'herbicide total, qu'on épand dans les champs afin que plus rien ne pousse, est fabriqué par un géant de la chimie, Monsanto. Quant aux semences modifiées pour tolérer cet herbicide et donc être les seules à pouvoir pousser dans les champs où il a été épandu, elles sont fabriquées par... le même. Monsanto et ses compères, qui ont investi à la fois dans la chimie et dans les semences OGM, gagnent sur tous les tableaux. Il n'y a pas l'ombre d'un souci humanitaire.

Quand les OGM ont commencé à être commercialisés, les Monsanto, Novartis et compagnie étaient en ligne dans les starting-blocks. C'était à qui sortirait le premier les semences génétiquement modifiées dont le marché s'ouvrait. Ils n'avaient pas le temps d'attendre d'avoir le maximum de garanties sur la sécurité de leurs produits, pressés qu'ils étaient par les gains qu'ils en espéraient.

Même si, comme c'est notre cas, on n'épouse pas tous les arguments des anti-OGM et de José Bové, dont certains prônent un simple retour au bon vieux temps et sont, sur le fond, réactionnaires, on ne peut faire confiance aux industriels qui produisent les OGM. Non pas que la modification génétique des plantes soit un problème en soi, mais parce que les acteurs économiques qui y président ont largement de quoi inquiéter.

Demain, peut-être, la recherche permettra de mettre au point des OGM réellement utiles et innovants. À condition que priorité soit donnée aux besoins réels des populations et non pas aux profits escomptés.

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